SONKARA et l'argument de la toute-puissance

J'ai un dilemme.
Comme analyste du discours (et je rappelle que le discours en sciences du langage est plus qu'un  texte lu), je dois observer en toute impartialité la prestance et la prestation de Sonko. J'ai d'ailleurs eu à le critiquer (voir article) dans le passé; et j'ai reçu des critiques de ses partisans.
Comme Sénégalais, par contre, je dois ressentir de la fierté pour son coup de force. En tant qu'électeur, qu'on soit pour Sonko, avec lui ou contre lui, chacun doit prendre acte qu'il a haussé la barre bien haut pour l'image de notre Sénégal. Pour ce qui est des autres chefs de parti, ils devraient l'estimer, car tout vrai combattant doit toujours avoir du respect envers un excellent adversaire, car celui-ci vous pousse à vous surpasser. Je répète: si on est un bon combattant.  
Mon texte relève donc de l'analyste du discours et du sénégalais. 

Il est un fait de dire que nous avons assisté à une monstration et une démonstration de la  part de Sonko et de son équipe, ce dimanche 16 septembre . Il est aussi un fait que l'exercice auquel il s'est livré est une première
à suivre par les autres, 
    à suivre par des actions....

C'était presque surréaliste que des mots, des idées, des réflexions qui ne se formulaient et ne trouvaient d'échos que dans les réseaux sociaux (ou en privé, entre citoyens), se retrouvent pris en charge sans langue de bois, et portés sur le podium, officiel.

Dans le style, l'image, les propos et les idées, Sonko s'est positionné dans un triangle, entre Obama, Mouhamed Ali, et Sankara.

SONKARA!,  dans l'aisance, le détachement, l'humour. Il tient de Sankara aussi dans l'attachement à la terre et à l'agriculture!! Il a la simplicité dans les idées ... et il a l'avantage de pouvoir être complexe quand c'est nécessaire (voire Obama).

Comme Mohamed Ali qui dit " people may say I am cocky but whatever I say I am ready to back up" (les gens peuvent dire que je suis arrogant, mais tout ce que je dis je suis prêt à l'assumer",
Sonko a bien dit : je suis le type de sénégalais parfait!!!! Qu'en pense le mouvement Y'en a marre?
Quand vont-ils le soumettre à la règle de mesure du (Nouveau) Type de Sénégalais, pour confirmer ou infirmer?

Revoyons quelques questions ou réactions qui ont été soulevées dimanche dernier:

La question à propos des convictions religieuses Sonko: il n'y a pas vraiment grand chose à analyser.

Sonko a aussi été critiqué pour le fait que son livre ne soit pas un ouvrage scientifique. Il a dit que c'est un ouvrage subjectif. Il aurait dû préciser : "subjectif dans le sens premier, c'est-à-dire, qui porte la marque du su(b)jet, de la personne; et non subjectif comme contraire de objectif". (Dans sa racine, en effet, le mode subjonctif se veut ne pas être indicatif, indicateur du réel, de l'existant, mais le résultat d'une projection qui tient autant de la personne, du sujet, que d'une vision scientifique de la réalité dont il s'inspire).

Sonko a souligné en substance qu'un bon dirigeant ne suit pas le bon vouloir du peuple. Il doit soumettre sa population à ce qui est bon pour elle. Il a touché du doigt ce qu'on appelle dans l'univers rhétorique, l'argument de la toute-puissance. Il n'existe probablement pas, dans le domaine de la rhétorique,  un exercice plus périlleux. En général, on y a recours contre un adversaire plus fort que soi, afin de le manipuler. Utiliser la force de l'autre est une stratégie ancestrale, dans l'art de la guerre. Elle est symbolisée en art martial par l'Aikido, magnifié par Steven Seagal. Mouhamed Ali l'a réinventé en  boxe face à George Forman  :
"the fomidable rope o(f)' dope".

L'argument de la toute-puissance est une stratégie consistant à faire croire à un adversaire (supérieur en force) qu'il a le contrôle total de ses actions, alors que c'est nous qui lui avons tracé le chemin à suivre. Un rapide exemple (cf. Breton): un jeune aristocrate connait une crevaison au beau milieu du Bronx dans sa voiture de luxe. Il se fait rapidement entourer par un gang de malfaiteurs prêts à le dépouiller. Un vieux du quartier qui observait la scène, et qui comprit qu'un tel incident pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour eux, appelle en aparté le chef du gang, et lui fait savoir qu'en ordonnant  qu'on dépouille cet étranger, il ne dirige pas en fait, mais il serait un suiveur; il ne ferait que suivre la routine des choses, car ses hommes n'attendaient que cela. Mesurer sa puissance serait de leur demander de laisser cet étranger sortir de là indemne. C'est comme cela que le chef saura, s'il est le vrai dirigeant ou pas. Ce vieux  a réussi à éviter un incident. Il a tracé le chemin à suivre au chef de gang, alors que celui-ci pense être en total contrôle de ses décisions.

Je vais détourner cet argument, et vous exposer son application en politique. C'est ce que Sonko propose, c'est qu'un chef ne doit pas avoir peur de tester la force de son pouvoir. Les grands chefs du passé le faisaient pour savoir si et quand partir. Un dirigeant doit le faire pour mesurer son degré de contrôle sur le peuple. Il doit soumettre sa population à ce qui est bon pour elle. Pour connaitre la mesure de sa force, un dirigeant a besoin de prendre, si nécessaire, des décisions impopulaires, pour savoir si le peuple est avec lui ou pas. En ordonnant à un individu de faire une chose qu'il aime, comment savoir s'il exécute la tâche parce qu'il y trouve son plaisir ou parce qu'il se soumet à votre autorité???

Prenons l'exemple du Sénégal, les sénégalais ont des prédispositions pour le basket. Si on investit plus dans ce sport, cela  portera des fruits sûrs dans le futur. Mais le basket n'est pas très populaire. Donc l'état préfère mettre le foot en avant, car c'est ce qui émeut le peuple. Quand le Sénégal gagne, le peuple oublie ses soucis, ce qui donne du répit au gouvernement. C'est ce que Jules César avait fait avec les combats de gladiateurs dans le Colisée. (N'y voyez aucun parallèle avec l'Arène Nationale!!)

Maintenant,

Sonko aura intérêt à respecter sa pensée, cette ligne de conduite, si peu politiquement correct, pour que le peuple se masse derrière lui, comme bouclier humain, pour ne pas se faire faucher par l'Occident, dès  à présent.

Ce discours d'une nouvelle génération devra se faire entendre et se multiplier au sein des autres partis aussi, car on ne peut tuer une idée. Tout parti politique d'où on n'entendra pas ces propos devrait se poser des questions. On devrait être à nous poser la question comment, mais l'objectif devrait être clair.

Sonko n'est plus seulement la cible des opposants. Il est aussi celui de l'Occident (et de ses partisans) pour qui, il est un candidat gênant. S'il réussit le hold up électoral, il sera difficile à gérer. Et, il sera de plus en plus difficile pour l'Occident de (re)faire ce qui s'est passé avec Lumbumba,  Khadafi ou Manuel  Noriega....
Peut-on se servir de ses proches comme avec Sankara? C'est cela le plus grand danger pour Sonko.
Robert Nesta Marley (Bob Marley) a bien failli en faire les frais. Cela a été probablement le plus grand choc de sa vie. Lui, dont personne ne doute de l' amour pour son people pour lequel il s'est sacrifié et a dédié sa vie, il a bien failli se faire éliminer par un membre de ce cher people :
peau noire, masque blanc!! (cf. Franz Fanon)

Si, élu, Sonko quitte sa ligne de pensée, et commet l'erreur de ne pas communiquer avec le peuple comme il faut, pour justifier tout écart, il pourrait se retrouver bien seul, vulnérable.

En tout cas, il porte bien haut une voix qui ne devrait pas n'être qu'une lueur, mais une flamme, nourrie par chacun.

Moustapha Niasse disait qu'on ne dévoile pas une stratégie à la radio. Eh bien Sonko l'a fait. Sa démarche est une déclaration d'amour pour le Sénégal, le don de soi, ce que plusieurs dirigeants peinent à faire.

A-t-il commis l'erreur de dire ce qu'il va faire? puisque que le wax waxet n'est pas une option pour lui !! et que wolof njaaye  disait  "kuy yoot du seuqeut". Cela lui a été rappelé, reproché d'ailleurs par mon collègue sociologue qui l'avait questionné à ce propos. Il a bien raison. Mais Sonko peut-il percer avec un discours différent de celui-là?


Malé Fofana PhD

ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication
Sherbrooke, Québec, Canada


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