Quel rôle pour le journaliste africain?
Extrait de thèse (Malé Fofana PhD)
Le portrait que nous
avons dressé de la presse sénégalaise dans notre thèse nous amène à nous
poser la question du rapport entre les médias et la démocratie. La littérature
postule « l’existence d’un lien direct de causalité entre cette tendance
observée à la démocratisation et les médias de masse » (La Brosse 2010
:175).
Nous pouvons avancer
que le journaliste africain porte un lourd fardeau sur ses épaules. Il est
souvent encensé par les hommes politiques quand ils sont en état de grâce,
comme Konaré du Mali qui déclare que « La liberté de la presse conditionne
toutes les libertés, ici et ailleurs […] [et suscite [l’éveil des consciences
[…] fondement de la démocratie » (Perret 2005 :30). Abdoulaye Wade enjoint les
journalistes à être « les sentinelles de la démocratie » (Ndiaye 2002). Au
Burundi, les médias se présentent comme des supports de la réconciliation et de
la démocratisation (Palmans 2005 :66). Un rôle d’information, de formation, de
socialisation et de construction d’un « nous-national » leur est dévolu au
Sénégal et au Bénin (2009 :208). Les journalistes sont des « instruments de
renforcement des processus démocratiques, […] des acteurs majeurs de
transitions qui influencent l’agenda politique et la manière dont se comportent
les dirigeants » (Frère 2005 :10). En fouillant l’information afin de révéler
et montrer « ce que les décideurs cherchent à occulter » (Trudel 1990
:167), ils doivent dénoncer, remettre en cause des systèmes politiques en place
(François 2003 :90), et être les censeurs du système (Atenga 2005 : 47). Au
Mali, ils sont vus aussi comme des porte-voix de la contestation (Perret 2005 :
23). Pour Ramonet (Fouda 2009 :208), « c’est de la qualité de l’information que
dépend la qualité de la démocratie. Quand la première se dégrade, la seconde ne
tarde guère, elle-même, à s’abîmer ».
Mais au-delà de ces
attentes spécifiques au domaine politique, le journaliste est attendu sur le
terrain social. Il lui est demandé de « rendre visibles les efforts de paix ».
Il lui est aussi demandé de « soutenir la prévention des conflits », de «
rendre les crises compréhensibles » et d’« aider à la reconstruction » (Frère
2005 :13). La radio aurait un rôle particulier à jouer dans des pays où le taux
d’analphabétisme est faible (Frère 2005 : 15). En réinvestissant
dans leur politique de communication les langues locales comme le wolof, au
Sénégal, ils suscitent chez les populations « une conscience citoyenne [...]
[et une] démocratisation du sentiment de ‘‘compétence politique’’» (Havard 2004
:26). Le principe d’interconnexion permet aux médias de forger surtout « en
Afrique noire le sentiment d’appartenance et de reconnaissance de l’autre, de
ses droits et de ses devoirs » (Fouda 2009 :203). Dans le cadre de la vie
citoyenne, les médias sont présentés par Fouda (2009) comme :
des organes de préparation des populations à être des membres à part
entière de la société et à les rendre capables d’indépendance. Là où
l’enseignement en primaire et secondaire a fait défaut, là où l’enseignement à
la citoyenneté n’a point vu le jour, il revient aux médias, organe d’écoute, de
regard et de lecture de suppléer, de participer à la mise en place des vertus
politiques, véritables terreaux de l’émergence des valeurs citoyennes. (Fouda 2009 :204)
Pour les organismes comme l’Unesco
(Frère 2005 :7), les journalistes sont des « soldats du développement ». Le 3
mai 1991, l’article 1 de la déclaration de Windhoek (Unesco 2008) sur la
liberté de la presse stipule que « la création, la pérennité et
l’épanouissement d’une presse indépendante, plurielle et libre est essentielle
au développement et au maintien de la démocratie dans une nation ainsi qu’au
développement économique ». Ce sont autant d’attentes et de rôles tous aussi
lourds les uns que les autres à endosser par le journaliste, qui résument
l’image de la presse africaine à un “angélisme médiatique” (La Brosse 2010
:175). Or il a été question en Afrique, il faut le reconnaitre, autant du «
journalisme de paix » que des « médias de la haine » (Palmans 2005 :69).
Malé Fofana PhD
ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication
Sherbrooke, Québec, Canada
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