Logique politique et logique religieuse



Dans la vie en société, au Sénégal, deux univers, politique et religieux, se côtoient. Et comme quand les fils d'un circuit électrique se touchent, toujours il se produit étincelles et court-circuit. Pourtant, ces deux fils ont besoin d'être collés l'un à l'autre, pour un fonctionnement normal, de la vie sociale. Le politique et le religieux se vouent, à bien des niveaux, pas toujours réciproquement, admiration et envie. Ils peuvent aussi, tout autant, s'observer en chiens de faïence. 

 

Une des choses que les politiciens envient aux religieux est le fait que les consignes données par l'autorité spirituelle puissent être appliquées sans discussion.  On comprend bien comment et pourquoi ceci a pu intéresser les dirigeants politiques (les colons) avant l'Indépendance! Dans le domaine religieux (en principe), le guide n’a pas besoin, de fournir de preuves pour justifier ses consignes, car il est l'incarnation de la preuve requise (ethos prediscursif), et la garantie permanente de ce qu'elle avance. Cela a bien sûr ses avantages et inconvénients.

 

Une autre chose que les politiciens envient aux religieux, est le compagnonnage. Le compagnonnage religieux se veut fort et stable. Le disciple, ému, est mu par la foi (conviction morale) et ne cède pas facilement au vent des fluctuations (transhumance). Il ne quitte pas la barque s'il estime que le chef n'est pas le meilleur ambassadeur de l'idéal (idéologie) en jeu. Peu importe la personne qui le représente ou les gestes qu'il pose, sa conviction reste inchangée. Parce que justement, ce dirigeant n'est qu'un représentant d'un idéal plus fort.

 

Si cette attitude existait dans le champ politique, un militant ne quitterait pas la formation politique parce que le chef du parti a omis, dans une communication, de citer son nom; un militant qui, pour son engagement pour le parti, a des démêlés avec la justice et se retrouve en prison, ne quitterait pas la formation politique parce le chef du parti ne lui aurait pas apporté de soutien, ou un soutien satisfaisant.

 

Mais c'est comme cela que la logique politique fonctionne. Je citerai un exemple cher à Oustaaz Alioune Sall. Dans l'histoire, Moïse (Moussa) qui symbolise le pendant politique de la religion dut intervenir pour sauver un des siens qui se faisait brutaliser par un soldat (ce passage est immortalisé par Le prince d'Égypte ou Les dix commandements). Moise aurait sans doute perdu le soutien de ce congénère s'il ne lui était pas venu en aide. Muhammadu Al Mustapha, lui aussi, au début de son combat idéologique, a été témoin des sévices corporelles infligées à Yaasir, un nouveau converti. Peut-être avait-il compris que ce spectacle offert à sa vue était un appât pour l'atteindre? Dans tous les cas, il lui lança cette réplique désormais célèbre, "fasbir ‘aala yaasir ina maw’idukum al jannah" (Endurez, on se retrouve dans l'Au-delà). 

 

Ceci ne se fait pas dans une logique politique.

 

Et pourtant. Ces deux univers devraient plutôt se compléter, et pourraient fusionner, à condition de prendre certains garde-fous. L'histoire nous rappelle, comme l'évoquent Hugo, Lamartine ou encore George Bernard Shaw, qu’il a pourtant déjà existé, un équilibre remarquable, un mariage heureux et réussi, entre ces deux institutions, dans la cité de Hathrib, au Moyen-Orient, actuel Médine, en 622. 

La question, pour nous, est :

Peut-il exister encore dans ce monde  aux enjeux si importants, un  individu (ou un groupe)  qui peut se dépouiller de toute tentation de mégalomanie et de profit personnel, alors qu'il a à ses genoux un peuple  qui lui obéit au doigt et à  l’œil. 


Malé Fofana PhD

ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication

Sherbrooke, Québec, Canada



Commentaires

Messages les plus consultés