La Diaspora et la DamNation
"On demanda à une mère laquelle
de ses enfants elle préfère. Elle répondit: celui qui est le plus
jeune jusqu’à ce qu’il grandisse, celui qui est malade jusqu’à ce qu’il
guérisse, celui-ci qui est loin jusqu’à ce qu’il revienne".
Oustaz Alioune Sall
Au nom de tous les miens.
Je m’étais dit que je n’allais pas
écrire à propos du communiqué, ce 2 janvier 2021, du Ministre de
l’intérieur, suite au succès du Nemmeeku tour, à propos de la question du
financement des partis politiques. J'avais raturé le document, et écrit dessus
:« circulez, rien à analyser ». Je fais mon Mea culpa (émotions,
quand tu nous tiens). Tout texte mérite analyse, car il divulgue un fait dans
la forme, dans le fond, ou par inférence.
Ce communiqué en question est le fruit
d'un acte manqué inouï - tout acte manqué étant un discours réussi (Lacan), ou
alors c'est un décor de fond d'un marionnettiste qui s'apprête à installer
ses personnages. Il peut tout aussi bien être le Carré blanc sur
fond blanc de Mondrian. Ce fameux tableau nu, qu'on peut voir vide ou plein.
Question de perception...
Dans le cas où l'ambiguïté du texte est voulue, il laisse un vide, plus béant que la brèche de la langue de Barbarie de Saint-Louis. Serait-ce un jeu de hasard engagé par le Ministre? Une partie dans laquelle la Diaspora est le pion à sacrifier? C'est un jeu bien dangereux car la Diaspora, n'est pas une pièce légère (voir mon article: La diaspora, cette belle dame rebel et revêche).
En attendant la suite des évènements,
ce texte est un autre coup porté aux sénégalais de l’Extérieur. Après que les
modou-modous aient été accusés d'avoir contribué à propager le coronavirus au
Sénégal, après qu’on n’ait pas voulu que leur corps vaincu par la maladie soient
rapatriés, voici un nouveau coup. Le coup de trop?....
Mais, la Diaspora est un pion
stratégique, à ne pas négliger. Elle mérite le respect du
Pouvoir. Elle est un grand régulateur social. La Diaspora injecte, de
ce qui passe par les circuits formels, l’équivalent d'un plan Marshall, chaque
année que Dieu fait. Un montant proportionnellement égal à la bouée de
sauvetage que les Usa ont injectée dans l'économie de l'Europe, au lendemain de
la Seconde guerre mondiale, en 1947. Sans cette manne financière, le Sénégal,
comme bien d'autres pays d'Afrique, serait tombé dans une faillite économique chronique. Le
peuple se serait doute déjà retrouvée dans la rue depuis bien longtemps.
Ceux qui ne veulent pas de
l'intervention politique de la Diaspora ne font que flouer le peuple. Diviser
pour mieux régner:"divide and conquer". Si vous saviez,
comme disait Cheikh Anta, ce qu’ils dissimulent sous le couvert du
politiquement correct, vous les chasseriez avec des bâtons.
La Doxa africaine nous apprend que
quand une mère a plusieurs enfants, il y en aura qui lui causeront des maux de
tête, certes, mais il y en aura un se jurera de ne plus
jamais voir ses larmes, un qui sera allergique à ses courbatures et maux
de dos, un qui sera le garant de son sommeil, un qui sera le bouclier de sa
dignité, et il y en aura un qui sera la sentinelle de sa fierté. Les
sénégalais locaux et ceux de la Diaspora sont tous des fils et filles de
la Grande Dame, et chacun a sa mission. Personne ne doit être écartée,
comme un enfant illégitime.
Dans la philosophie musulmane
(Al-mudatthir: 74,13), le Gracieux, al Waduud, recourt souvent à des
métaphores de velours pour ne pas montrer une image de Vengeur. Mais Il utilisa
des mots acerbes contre un individu. Il ne lui reprochait pas d'avoir été
ingrat. L'ingratitude est commune chez les hommes. Il lui reprochait de Lui avoir
tourné le dos alors qu'Il lui a accordé une faveur exceptionnelle: le bonheur
de voir ses enfants réussir et prospérer dans la vie, sans avoir à
s'écarter et s'éloigner du vieux père et de la vieille mère...
L'émigration est donc un phénomène presque
"fatal"... Mais ne cherchez pas dans la langue
française la racine de ce mot. Faites un petit tour dans la langue
anglaise, et pensez à "FATE" (destin).
Ceux de la Diaspora ne sont pas une
élite, descendant d'une élite. J'ai souvent entendu et même soutenu,
dans les années 80, ceux qui disaient qu'ils n'accepteraient pas que les fils
de riches quittent le pays, fassent leurs études à l'Étranger dans le
luxe, puis reviennent diriger le goorgourlu qui crève sous le
soleil. Aujourd'hui, ceux qui envoient leurs enfants à l'Extérieur
ne sont plus uniquement de la frange favorisée. Écoutez le récit des
émigrés pour vous en rendre compte. Ceux-ci n'ont pas nécessairement moins
souffert que ceux qui sont restés au Sénégal. Et dans les mêmes
conditions de température et de pression, il y en a qui ont enduré autant ou
plus. Est-ce Aznavour qui disait que "la misère est moins
pénible au soleil"?
Ne séparez pas la Dame Nation de ses
enfants d'Outre-mère. Une mère ne choisit pas entre ses enfants. Cette
séparation psychologique ne peut que lui nuire. Oustaaz Alioune Sall rapporte que quand
on demanda à une mère lequel de ses enfants elle préfère. Elle répondit : « le
plus jeune jusqu’à ce qu’il grandisse, celui qui est malade jusqu’à ce qu’il
guérisse, celui-ci qui est loin jusqu’à ce qu’il revienne ».
La Diaspora ne veut plus « immobiliser » ses richesses dans des immeubles à louer (excusez la répétition). Après avoir maintenu le pays dans la stabilité, elle veut maintenant investir dans le progrès. Au-delà de continuer à donner du poisson, elle veut enseigner à pécher, et cheminer avec ses frères et sœurs.
Le fils éloigné de la vieille Dame a maintenant grandi; sa fille éloignée a mûri. Son enfant malade a guéri (ou veut guérir), ceux qui partirent au loin veulent maintenant revenir, revenir autrement, revenir de toutes les manières possibles.
Ceux de l'Extérieur ne veulent plus
être les damnés de la Nation, errant comme âme en peine, avec comme sort, le châtiment
des sœurs Danaïdes : remplir éternellement un tonneau perforé de trous.
Laa yamuutu feeha wa la yahyaa - Al Alaa
87.13
(Et là, ils ne vécurent, ni ne purent
mourir).
Picc ca kaw xel ma ca suuf...
J'aime ce texte et sa réflexion est puissante par sa richesse et sa forme. Merci pour ce beau partage et tu as raison quand tu dis qu'il faut les apprendre a pêcher au lieu de les donner du poisson. Ce système est révolu et on en prend conscience de plus en plus. C'est un cercle vicieux qui nous tue a petit feu
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