Le Sénégal et les faits "Pygmalion"




Il me semble que le vent de contestation populaire qui a secoué le Sénégal ne soit pas un simple saut d'humeur, né du néant. Pour qui peut/veut voir, ce serait la conséquence d'une situation particulière, touchant la Nation. Le fruit des aspirations d'une partie du peuple. Si cette force qui cristallise à ce point une partie de la population est une herbe folle, autant parler d'un sol dont la contamination est bien avancée. 

"Jeunesse malsaine" comme fit Abdou Diouf? Ou "terroristes" en puissance?  Diagnostics assez viciés, pour ne pas dire vicieux. À ce propos, je n'arrive pas, avec la meilleure volonté, à comprendre comment un discours officiel étatique, autrement dit, ce qu'il y a de plus administratif, formel et concret, puisse se satisfaire d'une formule aussi creuse que "forces occultes"... Pour de la langue de bois, celle-ci est bien dure.

 

Au lieu de prendre un tel dédale, 

pourquoi ne pas se concentrer sur l'essentiel? Le pays.

 

Que ne puissions-nous tous travailler ensemble unir les forces plutôt que de se battre entre nous? Mais pour cheminer ensemble, faut-il (croire) avoir la même destination. Comme dit le Wolof, "ki ragal fanaan àll ak ki bëgul weet cibb neek, tëjal bunt bi du leen boole''   (celui qui a peur de passer la nuit dehors et celui qui a la phobie de dormir seul, ne se disputent pas à savoir si la porte de la chambre doit être ouverte ou fermée).

 

Si, et puisque, la lutte entre des forces opposées est le moteur de ce monde, puissions-nous l'accepter, et savoir que sa vitalité est salutaire. L'estime pour l'adversaire, un devoir, car celui-ci est une glace dans laquelle se mirer, et se mesurer. Un tremplin pour se dépasser.


S'agit-il bien du pays, l'objet de la lutte?  Pensons-nous que celui-ci soit indestructible, dans les faits autant que dans l'image?

 

Sommes-nous victimes de l'effet Pygmalion ou juste des lions-pygmées?


La France nous a érigés, pour l'Afrique, en exemple.  Pourquoi nous est-il difficile de croire qu'il s'agisse là de la vieille tactique du "divide and rule". Diviser pour mieux régner? On nous a tellement fait croire que nous sommes une exception en Afrique que nous avons pu finir par le croire. Et nous appelons ceux de la sous-région "niak" (les broussards), et eux nous taxent de wesh-wesh (qui tentent de ressembler aux Occidentaux).

Nous aurions pourtant pu tirer un effet positif de cette étiquette de figure de proue. En tout cas, nos congénères de la sous-région considérés, jadis, par les colons comme des individus de seconde zone, ont préféré se battre pour se donner meilleure image, et pas seulement aux yeux de l'ex-colon.

 

Si nous nous croyons différents des autres nations africaines, nous considérerons que la stigmatisation ethnique qui prend racine chez nous est différente de celle qui a enflammé le Rwanda.


Si tant est que nous nous voyons différents, nous croirons, mordicus, que notre récente focalisation sur les orientations religieuses d'autrui est différente de celle qui a crucifié le Nigéria.


Puisque nous sommes différents, les scènes d'individus "anonymes" qui violentent les manifestants ne peuvent en aucun cas équivaloir à celles des mercenaires qui firent basculer, dans l'horreur,  le pays du vieux Houphouet. 


Malé Fofana PhD

AuteurConseiller linguistique et communication 

ComUnicLang-Bataaxel

https://www.comuniclang.com/

Sherbrooke, Québec, Canada



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