Ecrire, entre oralité et moralité

"ku seexlu'wul barile" 
(Bien pleine est la panse de la poule qui ne trie pas ses graines).
Ben Bass Diagne

Ma réflexion à propos de la dualité que vivent les auteurs, plus particulièrement ceux de l'Afrique, quant à leur positionnement, et par rapport au public cible.

Le Sénégal connait présentement, en matière d'écriture, une effervescence spectaculaire; mais salutaire, puisque les fondements de la culture traditionnelle sont brouillés. Mais l'oral n'est pas que parole. L'oralité a aussi une certaine moralité. Puissions-nous ne pas perdre celle-ci aussi, dans la foulée. 

Je suis artiste. Les membres de cette curieuse tribu, celle des artistes, savent que nous sommes souvent aux prises à  des pulsions intellectuelles qui nous chatouillent et nous titillent. L'inspiration a parfois des relents bien rebelles. Certains la savourent avec délice, d'autres,  avec regret, la répriment.  Personnellement, je ne vis plus ce tiraillement. Telle est devenue, by an amazing grace,  ma nature profonde. Et, avant de me demander si je dois écrire pour les occidentaux ou les africains, je me demande d'abord, et avant tout, comment écrire à travers le prisme de ma foi. 
En toute constance, 
En toutes circonstances,
Écris bismi rabbika. 
 
Comme disait Ben Bass Diagne, rapporté par Oustaaz Alioune Sall,: "ku seexluwul barile" (Bien pleine, la panse de la poule  qui ne trie pas sa subsistance). Et à ce prix là, elle n'est pas à l'abri de graines indigestes.
Celui qu'on appelle génie est au sommet de la montagne. Il voit plus loin que les autres, entend plus finement qu'eux. Il (re)sent ce dont ceux de sa génération ne soupçonnent même pas l'existence. Si celui-là qu'on prend pour un génie n'est pas obnubilé  par la recherche de son Créateur,  je ne sais pas quelle longueur d'avance il a sur ses semblables, mais il ne voit pas plus loin que le bout de son nez.

Je lis peu dernièrement, de littérature. Au-delà du fait de manquer de temps, je dois avouer que plus je m'engage dans le classique de la linguistique, moins je suis ému par la littérature. Je tends à préférer le classique de Cheikh Anta à la foison de Senghor. Je tends à préférer, comme nous l'enseigne Serigne Cheikh al Maktuum,  la méditation à la contemplation. La langue tout comme la foi, d'ailleurs, ne sont pas une fin en soi, mais des instruments. N'y voyez point de contradiction. Je ne peaufine mes textes que pour attirer l'attention de mon lecteur sur le contenu de mes mots.

Il est bien facile de confondre texte et discours. Mais le texte est constitué des mots physiques qui s'affichent à nos yeux alors que le discours est  l'ensemble des écrits d'un individu, l'ensemble des textes et idées auxquelles ses textes réfèrent ou font penser. C'est à la lumière du discours, et non du texte, qu'un auteur se présente au monde.
Il est aussi aisé de faire une confusion entre l'auteur et l'énonciateur. L'auteur est la personne physique qui écrit. L'énonciateur, est le personnage symbolique, l'identité psychologique à partir de laquelle un auteur écrit.
Plus l'auteur, l'acteur maîtrise son art, plus il peut donner de soi pour faire vivre le personnage.
Mais considérer ces deux postures comme des figures totalement disjointes, séparées, est tout autant une erreur. On ne peut totalement séparer l'auteur ou l'acteur de son personnage, ou le locuteur de l'énonciateur, car l'un vit à travers l'autre.  Pour s'en rendre compte, demandez à une femme voilée, actrice, d'enlever son foulard pour les besoins d'un film.

Sans tendre l'oreille, j'entends mon lecteur  penser: "le corps de l'acteur est différent des idées de l'auteur". Oui, en effet. Ce n'est pas la même chose. 

Le corps s'efface. Et les idées, elles, sont éternelles.

A bon Penseur, chahute!

Malé Fofana PhD, 

AuteurConseiller linguistique et communication 

ComUnicLang-Bataaxel

https://www.comuniclang.com/

Sherbrooke, Québec, Canada

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