À l'épreuve du pouvoir


 

"Être ferme, pour ne pas à vau vent fléchir; 

rester sensible pour sentir le peuple flétrir. Tel est leur dilemme". 

Les preuves, 

elles sont toutes bien là. 

Et bien lasse, la pauvre foule

de l'histoire qui se répète...

À l'épreuve du pouvoir, 

très peu, dans leurs bottes, restent droits.

 

Ils semblent tous souffrir des mêmes maux, ceux qui détiennent quelque influence. C’est le nœud de leur symptôme qui me l'a dit.


On s'est tous peut-être, un moment, demandé, comment il se fait que des individus en position de pouvoir puissent persister dans des actes qui ont fait chuter leurs congénères, autour d'eux. Jusqu'à ce que le ciel leur tombe sur la tête. Dans la quête du pouvoir, les coups bas sont fréquents, au point que les prétendants se blindent pour tenir jusqu'au bout.... Et lorsqu'ils arrivent au sommet, là où il faut écouter et sentir son environnement, la carapace qu'ils ont développée, et qui les avait protégés, se trouve si épaisse qu'elle les rend insensibles, aux détails les plus banals. Tel est leur dilemme.  Être ferme, pour ne pas à vau vent fléchir, mais rester sensible pour entendre le peuple flétrir. C'est la promesse de tout aspirant, la formidable prouesse d'Arouna Rashid et de Dhul Xarnayn (al kahf).  

 

Le deuxième symptôme est plutôt commun. Il pourrait être un trouble très courant d'interprétation. Lié à l'éternel problème du signe linguistique. Par exemple, on peut se mettre d'accord sur la manière d'écrire et de prononcer le mot "faim" (signifiant). Nous pouvons aussi nous entendre sur son sens, théorique (signifié). En revanche, l'expérience de la faim (réfèrent), elle, est personnelle. Pour que les nantis ressentent la véritable morsure de la faim, celle avec laquelle les démunis, au jour le jour, vivent, ils doivent l'expérimenter. Nécessairement. Voilà une des raisons de la présence du jeûne dans les traditions religieuses. 


Mais à ce problème plutôt banal peut s'ajouter un autre dysfonctionnement. Le trouble de la paranoïa dont l'étape la plus connue est la phase finale. La phase initiale est un peu moins perceptible. C'est celle où le sujet crée autour de lui un monde parallèle qu'il peuple de rues bien larges, de bâtiments adéquatement découpés, d'habitants tout conciliants. Le sujet est absolument sincère dans ses raisonnements. Mais son schème de pensée repose sur un monde à l'avenant, où les hommes et les idées se plient à sa volonté, comme le fer sous les doigts de David, le Prophète-forgeron. Il vit dans un monde au sein duquel se plient en quatre, face à lui, comme devant le Roi Souleymane, les quatre éléments de l'univers, y compris les Jinns récalcitrants.


Le sujet à la paranoïa jouit d'un sens critique indemne et s'investit de bonne foi dans ses prises de position. Son monde en mousse se ployant à son raisonnement, ses idées sont des géants au pied d’argile. Elles lui semblent plausibles. Mais étant biaisées, elles sont constamment remises en cause par les individus qui sont hors de son influence. Ses gestes posés de bonne foi sont dénigrés. Il finit par être étourdi par une opposition quasi systématique, qui s'avère suspecte, et lui semblent, à la longue, relever d'une conspiration bien ourdie. De la position de victime, il prend de plus en plus une attitude défensive face à la critique. Entre méfiance, doute et suspicion, il devient difficile à côtoyer, et se barricade dans une position de tension et de confrontation chronique.


Sa vision s'altère à l'extrême. Les marionnettes qu'il a confectionnées prennent vie, se rebellent contre lui, et lui échappent comme Frankenstein à son créateur. Les ombres se dotent d’une âme. Sombres, contre lui, elles prennent les armes. Et, l'expression "les murs, ont des oreilles" prend tout son sens.


Au summum de sa montagne, il s'emmitoufle dans un nid de déni et de défiance.  Si vous entendez un champion de lutte affirmer ne pas concevoir la chute ou ne pas discerner la couleur orange ou rouge, il peut bluffer, bien sûr. Mais il se peut, aussi, si surprenant que cela paraisse, que ce soit exactement ce qu'il voit.  Maintenant qui craindre le plus? Celui qui feint ne pas concevoir la perte? Celui qui ne la réalise qu'amer, une fois à terre? ou celui qui s'aperçoit, seulement au tournant d'un choc, que, zut!, la chute est bel et bien possible?

Malé Fofana PhD 

Auteur, Conseiller linguistique et communication 

ComUnicLang-Bataaxel

https://www.comuniclang.com/

Sherbrooke, Québec, Canada 


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