Le viatique du militant

Un petit viatique 

Pour la vie atypique 

Du militant

Vous avez sans doute été interpellés par les récents événements qui, depuis quelques temps maintenant, maquillent le jeu politique, mais ont connu un paroxysme.  En plein mois de Ramadan. Je me pose encore des questions. Un puzzle que je n'arrive pas à résoudre. Pourtant quelques principes auraient pu amener plus de calme à cette vie de mouvement. 

Le mythe de la voie unique: 

Pour aller à Rome, il y a bien sûr des pistes balisées, aromatisées, mais aussi, pas assez pour une liste, toutefois, bien tortueux, quelques sentiers autres. Et l'unanimité, qui ne rime pas dans le fond avec humanité, n'est pas de cette bonne  vieille terre. Même le Sublime n'a pas le plébiscite. Sauf que Lui, Il se l'est choisi, même si, en Hakeem et Aziz, point de crainte qu'il pût tomber dans l'excès. Et Il a appliqué cette condition au commun des mortels. Ce sont les oppositions qui tiennent le monde en équilibre, garantissent les étapes qui tissent notre parcours. En effet, Inna ma'al 'usri yursa: c'est quand il fait assez noir qu'on peut voir des étoiles. De cette façon s'alternent les bons et les mauvais jours (Wa tilka al ayaam nudawwilaha bayna naas). 

Dès le temps de l'innocence, nos ancêtres avaient remarqué que c'est en frottant des pierres les unes contre les autres que les étincelles jaillissent; que dans la guerre, la perte est moins affligeante, infligée par un valeureux adversaire. Booy dee ci all na la gaïndé ray (si tu dois mourir dans la savane puisses-tu tomber sous la patte d'un lion). Même le Sublime ne terrasse ses adversaires qu'après les avoir engraissés. À gagner sans péril, on triomphe sans gloire.

L'équilibre de l'extrême:

Dans ce contexte, le fait qu'un militant considère que toute personne qui ne pense pas comme ceux de son groupe fait fausse route, est une aberration en soit, et une posture extrême. Je comprends que plus on est convaincu de sa position, plus on a du mal à concevoir que les autres puissent aussi avoir raison, eux aussi.  Nietzsche disait que ce n'est pas le doute qui rend fou, mais la certitude. Bien difficile d'établir un équilibre entre les deux. Comment être parfaitement convaincu de notre philosophie politique,  religieuse ou confrérique, et toujours considérer que le chemin emprunté par un autre, reste  acceptable? Et pourtant, c'est bien ce qu'il faut arriver à faire. Autrement, cela frise l'hypocrisie, car le bouddhiste rigolerait avec le juif, mais le considère au fond comme un deumeuré. Le musulman jouerait avec le chrétien mais au fond de lui, le considère comme un perdu. Et vice et vertu. La vie n'est pas noire ou blanche. Il y a tout un spectre de gris entre les deux.

La condition humaine:

L’autre élément qui peut apaiser le cœur trépidant du militant est celui-ci. Quoiqu'il arrive, toujours tenir en compte les trois éléments ci-dessous:

1- Ce pour quoi je me bats peut ne pas se produire.  Nous ne sommes que de pauvres créatures. Nous posons les pièces du puzzle. C'est le Sublime qui les assemble. Même en additionnant "un" à "un", Il faut une opération mathématique pour assurer la fusion en "deux". On a beau s'agiter, il ne se produira pas grand-chose, si cela n'a pas été décidé plus haut....

2-Ce pour quoi je lutte peut se produire sans je sois sur cette terre, le jour J. Combien de militants qui se sont battus bec et ongles nous ont quitté en chemin, certains sur le terrain du combat, d'autres tranquillement assis chez eux. Ce facteur, la mort, bien réel qui rode au-dessus de nous, devrait être un modérateur, car personne ne sait quand le Faux va passer. 

3- En enfin, ce pour quoi je lutte peut, bien sûr, se réaliser, me trouver ici bien vivant, avec la grâce d'y participer. Par contre, qu'est-ce qui me garantit que j'y aurai le rôle que j'espérais?  Le rôle qui me permette d'en tirer un profit pour moi et pour le peuple? 

La voix de l'équilibre

Que faire faire alors ? Selon moi, appliquer la première maxime du livre Saint: Iqra bismi rabbika (Agis en fonction de ton Seigneur). Agis, sachant que tu ne peux rien réaliser sans Son aval, que sans sa permission tu ne serais pas ici à te battre. En tenant compte de Lui, mes faits et gestes se confondent avec un acte d'adoration. N'est-ce point cela la raison de notre présence sur terre (wa ma xalaqtu al jinna wa insa ill li ya'buduu-nee)? Par conséquent, ce qui importe, ce sera les efforts que nous ferons. Le résultat Lui incombe. Ce n'est pas en forçant et en faisant flèche de tout bois que nous Lui tordons la main, en supposant qu'Il en ait une. Si j'agis mal, en cas d'échec, je suis face à une double perte. En agissant bien, dans Son paradigme, en cas d'échec, on a au moins le confort d'avoir bien agi et de recevoir Son agrément. 

Selon la manière dont les choses se sont déroulées, dans l'affaire Sweet Beauté, les doués de raison devraient comprendre que la main du Sublime est impliquée.

Pour ce qui est des conséquences de nos actes dans la vie présente, la mesure permet de ne pas être pris dépourvu dans chaque situation. Si tu désires quelque chose très fort, faire attention et se poser la question : et si je n’avais pas ce que je veux? Se mettre dans la tête la réussite autant que l’échec sinon on risque d’avoir des déceptions fatales, ou de ne pas profiter de ses succès. 

Un désir, virtuel, n'a pas de côté sombre. Mais une fois réalisé, il vient avec son côté positif et négatif. C'est bien  pour cela que le wolof dit qu'un vœux exaucé est un fardeau pour le demandeur : ñaan gu nanggu coono borrom.

Malé Fofana PhD

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