L'OPStacle du second degré

Quand le vent de la passion se lève, la lumière de la clairvoyance s'éteint.  

Ku merr noppee muus!!  

De jeunes activistes Sénégalais qui estiment que certains journaux locaux ne font pas un travail de couverture assez équilibré des informations, ont créé une parodie de la Une d'un de ces organes de presse, afin d'y faire passer ce qu'ils estiment devrait aussi y figurer. Je présente une analyse du cas d'un de ces journaux.

Il y a des moments 

Où les mots nous trahissent

Et n'arrivent plus à hisser 

Aux plus hauts firmaments

L'intensité de nos maux

Parfois, la douleur ou la colère sont tellement fortes que les sanglots ou les cris ne rendent pas suffisamment ce que l'on ressent. Alors, à la place de pleurer ou hurler, on se met à rire. 

C'est comme le jour où ma fille découvrit que le mot "bravo" pouvait être négatif. En réalité, sarcastique. Ce jour-là, à peine leur enseignante avait fini de répéter pour la troisième fois qu'il ne fallait pas laisser leur petite bouteille d'eau sur les tables, un élève qui avait malgré tout laissé la sienne sur son pupitre, en fit renverser, par maladresse, sur ses cahiers, le contenu entier. Mme Barbara était éberluée.  Ne trouvant pas quoi dire d'assez fort pour exprimer ce qu'elle ressent, elle applaudit posément en arborant une moue, et s'exprima "bravooo !!!!"

C'est comme le jour où, je fus, moi-même envoyé par ma mère à Ndoumbé Diop pour acheter quelques victuailles de dernières minutes.  Dès que je sortis du marché de la ville, une pluie diluvienne se mit à tomber. Si je courais, je me serais mis à en danger, car on ne pouvait voir à plus de cinquante mètres devant soi;  et j'aurais fourni un effort violent et surtout inutile, car j'aurai été autant mouillé, de toutes les manières.  Alors je décidais de marcher tranquillement, mon cure-dents à la bouche, alors qu'à ce moment même mon père et mon grand frère retenaient ma mère, qui culpabilisait, et voulait coûte que coûte sortir de la maison, pour aller me chercher.

L'émotion nous aveuglent parfois, le recul pour permet d'émettre les mots ou de poser les gestes pertinents.

***

Il est heureux de voir que la jeune génération taxée de violente ou malsaine, devient de plus en plus inventive et essaie de varier ses stratégies de lutte pour un meilleur avenir.  

Mais comment peut-on souffrir et rire en même temps?

Garder son humour dans la souffrance est une marque de grandeur et de force. C'est comme quand il nous arrive de dire, lorsqu'un objet nous échappe des mains et se retrouve par terre, "ça ne peut pas tomber plus bas". Ou parfois, quand nous disons avec philosophie, "mieux vaut en rire qu'en pleurer".

L'humour est une caractéristique bien de chez nous, pourtant. Pensez à la parenté à plaisanterie. Je me rappelle une fois, j'étais avec des amis touristes à l'île de Gorée, un touriste (merci Jacques) répliqua à une intervention de feu Joseph Ndiaye en émettant le commentaire que celui-ci faisait de l'humour à l'anglaise. Alors, Le gardien du temple sa retourna et lui dit tranquillement, de sa voix rauque, : "mon cher monsieur, l'humour, avant d'être Anglaise, est d'abord Noire".

Humour et linguistique

Mais au-delà de l'humour, les auteurs de L'OPS, consciemment ou pas, ont eu recours   à une réalité linguistique, phonologique, pour être précis, bien constante, en remplaçant  /b/ par /p/ pour créer L'OPS. Ces deux phonèmes, /p/ et /b/ sont presque identiques. Ils partagent le trait de la labialité (lèvres collées) et de l'occlusion (pas de circulation d'air). Le seul trait qui les sépare est que pour prononcer /b/, il faut faire vibrer les cordes vocales, ce qui n'est pas le cas pour /p/. 

 

C'est la même chose qui se passe entre les paires: f/v, d/t, s/z, k/g. En réalité, quand (1) on parle vite, et (2) quand /b/ n'est pas entouré de voyelles, on le prononce nécessairement /p/. Observez les mots suivants, l'absence de deux voyelles pour entourer /b/ fait qu'on les prononce /p/ :  apsurde, apsent, optenir, apsorber, apstention, apstraction, opscur, opsession, opstruction....  

Or vous savez que la langue est d'abord orale. L'écriture, qui est arrivée par la suite, est artificielle, une invention humaine. 

Par conséquent, quand L'OPS publie ses innombrables Unes en moins de 24h (sourire), et que les internautes clament, avec quelques bonhommes sourires, que c'est la version originale, il s'agit bel et bien de la prononciation authentique. 

Et qu'ils le sachent ou pas, en faisant un tel commentaire, 

ils ont bien raison:  

bu baax bi la

 

Malé Fofana Phd


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