Aux racines linguistiques et symboliques des titres de partis politiques au Sénégal : le cas de Pastef
Aux racines linguistiques et
symboliques des titres de partis politiques au Sénégal : le cas de Pastef
Cette analyse se penche sur la logique qui est
derrière la création ou la mise en place des noms d’entités comme les
formations politiques.
1.Une terminologie riche et enracinée
On se rappelle encore la naissance et le génie
linguistique derrière le choix du titre du parti Rewmi, fondé sur une ambiguïté référentielle. C’est la raison pour
laquelle le Conseil Constitutionnel avait voulu, sans succès, invalider cette
dénomination, mais n’a pas eu les outils pour cela. Ceci est une des forces de
l’implicite, du sous-entendu et de la référence déictique.
Cette richesse se retrouve aussi dans le choix du titre de la formation politique Pastef. En fait, Pastef signifie Patriotes du Sénégal pour le Travail, l'Éthique et la Fraternité. Mais ce sigle est polysémique, dans la forme et le fond. De plus, il est enraciné dans la culture sénégalaise... Ce procédé de construction (polyphonie) est courant en matière de communication. Il permet de réduire le principe de l'arbitraire du signe (cf. Saussure), c'est-à-dire l'écart entre le mot (signifiant) et son sens (le signifié).
1.2.Une question de forme
Le terme Pastef ou pasteef vient du
verbe fas qui réfère au verbe nouer. Dans certains mots
du wolof, le passage du verbe (V) au nom (N) se fait par un changement de la
consonne initiale. Observez :
- sacc (verbe:
voler) qui devient cacc (nom: vol),
- fo (verbe: jouer) qui devient po (nom:
jeu),
- fenk (apparaître) qui
devient penku (lieu d’apparition - comme
pour le cas du soleil: l'Orient).
Pour passer du verbe au nom, fas (nouer) devient pas (noeud),
puis paspas (foi,
conviction), par réduplication, un autre procédé de nominalisation du
wolof. Ce choix de terme consacre le retour aux racines des partis politiques
au Sénégal, une victoire pour le Sénégal. Le wolof est une langue d’une grande
richesse dont nous devons être fiers, tout comme des autres langues du
Sénégal... Observer les termes jam (verbe piquer) terme de base, qui,
par allongement de la voyelle devient jaam (esclave), pour devenir jamm
(paix), par doublement de la consonne finale. Il s’agit du principe d’intensification
d’une consonne (shidda) présent aussi
dans la langue arabe. Ceci indique que le lien entre le wolof et l’arabe, du fait
religieux, est inextricable.
1.3.
Une question de fond
Le mot fas (« nœud ») revêt un
symbolisme fort dans la culture wolof. Il s’agit du contrat, physique ou moral.
Il peut rappeler ce qui lie ceux qui vivent au Sénégal avec leur patrie, autant
que ce qui rattache la Diaspora à son pays d’origine.
Le nœud peut aussi symboliser un poing ferme, comme la
poignée de mains qui conclut un traité. Du temps de la tradition orale en
Afrique de l'Ouest, cette poignée de mains avait plus de valeur qu’une
signature écrite. Un individu qui donnait sa parole et la scellait d’une poignée
de mains préférait mourir plutôt que de revenir dessus… Au-delà du choix de ces
titres, puisés du trésor traditionnel, il serait d’un grand bénéfice si les
formations politiques ainsi que les personnes qui s’en réclament comprennent et
s’imprègnent de la valeur et du poids symbolique derrière ces mots. Aujourd’hui, la parole est restée comme
magique, comme pouvant faire des miracles, alors que la moralité qui la sous-tendait
perd du terrain. On est alors devant une dérive manifeste, si, dans un pays de
tradition orale comme le Sénégal, le non-respect de la parole donnée, au-delà
d’être un acte manqué regretté, devient un slogan récurrent, dans le milieu
politique.
1.4. Symbolisme
Le terme paspas réfère aussi à une autre
réalité ancrée dans l’imaginaire du sénégalais dont un parti politique qui
l’endosse peut tirer grand profit. Il s’agit d’une dimension spirituelle qui
réfère à une forte croyance, peu importe sa nature. Quant au terme pasteef
qui est un dérivé de paspas, il réfère
à l’énergie intérieure qui se traduit en action chez un individu.
1.5.
Gëm (croire) et gëmm (fermer les yeux)
Pour revenir au wolof, le terme croire se
dit gëm. Associé au terme paspas, il s’agit
d’une conviction. Cette conviction (une fois acquise au terme d’une solide
réflexion) est doublée d’une autre idée exprimée par le mot gëmm signifiant,
cette fois-ci, le fait de fermer les yeux.
Il est nécessaire de garder
un équilibre entre réflexion, foi et passion. Où se situe la balance entre la
confiance (en un leader politique) et l’exercice critique de l’intellect du militant? Pour réussir cela, il faut
de la part du militant, un dosage, une certaine alchimie entre une énergie (passion) et une
volonté canalisée par le savoir (rationnel) et la compétence pour une action
productive. En effet, pour éviter l’obscurantisme, cette croyance ne doit
pas exclure le savoir. Dans le domaine religieux, par exemple, les plus
fervents disciples, sont ceux qui ont d’abord exercé leur raison, jusqu’à
l’épuiser entièrement, pour alors embrasser avec (la) passion (de
l’acceptation), ce dont ils ont compris leur incapacité à comprendre l’essence.
Pour le champ politique, il s’agit simplement du futur.
Et il n’est pas complexe de déterminer un des motifs
d’engouement portés sur le personnage d’Ousmane Sonko. En communication, un
auditoire n’a jamais accès à la vraie nature du locuteur. Il n’en a qu’une image.
Pour le cas de Ousmane Sonko, il est aisé de voir que
son image est constituée d’un ethos prédiscursif (actes et propos passés), d’une présence physique, et de
propos (logos) présents constants.
De ces deux éléments découle une projection du futur. Voilà les axes de la persuasion.
Cependant, ceux qui ont
connu le pouvoir évoquent systématiquement les contraintes de la réalité de
l’exercice étatique. En effet, l’exercice du pouvoir serait comme un aigle aux
griffes aigus réputées capables de déraciner ou d’infléchir les décideurs les
plus intraitables. C’est une réalité qui demeure peu connue du peuple et des
analystes qui ne voient que les traces qui lui sont attribuées. Voyez-vous, malgré sa grande envergure, ce
rapace, ne se déplace que sous le manteau ténébreux du Secret d’état.
2. L’ethos-phare du leader de Pastef
Il faut dire, malgré tout,
que l’ethos-phare de Ousmane Sonko est
l’intégrité (jusqu’à preuve du contraire), car il semblerait qu’il soit
difficile d’établir un scandale auquel le leader de Pastef serait mouillé…
Il fut un savant égyptien qui entreprit, un jour, de
déconstruire l’existence du principe Divin... Cela lui prit des années pour
arriver à un raisonnement plausible. Mais c'est seulement à la fin d'un
long processus de recherche que celui-ci se rendit compte, que ce temps
passé à chercher une faille, est en réalité la preuve de son échec. Car avant
cela, il ne s’était jamais levé un matin avec une équation si ardue fût-elle,
sans la démanteler et la mettre en pièce avant le coucher du soleil …
…pour ne pas dire « avant l’extinction du
soleil »
Malé
Fofana PhD
ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet
de communication
Linguistique,
Sciences du langage et Communication
Sherbrooke, Québec, Canada
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