Strates, stratégies et discours croisés

 


D’épreuves en obstacles, chaque acte posé par  l'autorité en place contribue à aguerrir cet homme et à lui donner une stature d’homme d’état  accompli…

N'est-ce point là l'incarnation par excellence 

du dauphin? 

 
La sortie Mr Ousmane Sonko à la suite de sa confrontation avec son accusatrice, le 6 décembre 2022, a suscité des réactions, en  nombre et  variété. Je me limite comme d'habitude, à la forme du message, et à la posture discursive. 

Lors de la prise de parole en question, le dirigeant de Pastef les Patriotes, arbore un costume-cravate sombre. Ceci pourrait, sur le plan de la communication, traduire le souci de réduire la polysémie et les signaux discordants. La communication est multiforme: les aspects verbaux autant que paraverbaux envoient des signaux à l'audience. Arborer un habit d'apparat traditionnel aurait pu porter un sens de prestige, tout comme un habit local plus simple aurait pu constituer, en sus, un appel à soutenir les artisans locaux. 
 
La strate du milieu

L'accusé semblait donc vouloir s'adresser au bon sens. En communication, le fait de ne pas cibler un auditoire spécifique dilue la teneur d'un propos. En effet, déterminer son auditoire peut exclure une partie du public, mais cela a l'avantage de mieux toucher l'auditoire visé. Cette prise de parole-ci ne semble pas s'adresser aux extrêmes, qui sont d'une part l'audience déjà acquise à l'accusé, et d'autre part les inconditionnels de la plaignante. La marque distinctive de ces deux extrêmes-là est la primauté de l'émotion et du ressentie par rapport au raisonnement. Voici donc une prise de parole qui semble  plutôt destinée à la strate du milieu, le public indécis, qui observe et attend de se décider. Un public qui a la pertinente position de vouloir fonctionner uniquement par raisonnement, et qui  pourtant tend à attendre passivement que cette réflexion lui soit servie. 
 
Le fait de réaffirmer, son innocence lors de cette prise de parole comme aux premières heures de cette affaire, le fait de baisser le ton la voix et de ralentir le débit, sont des indicateurs pouvant souligner que la logique et le sens de déduction de l'audience du milieu sont ce qui est sollicité. Un ton plus vindicatif viserait à freiner le clan de gauche soupçonné d'être derrière cette affaire, ou à galvaniser les partisans de l'accusé, clan de droite.

Mais pourquoi l'indécision du  clan du milieu? Celui-ci semble refuser, très justement, de fonctionner au sentiment,  comme souligné plus haut, tout en ne faisant pas l'effort de s'essayer à l'équation intellectuelle.  Pourtant l’humain a, en principe, une faculté de raisonnement qui lui permette de concevoir et de déduire, sans avoir vu. N'est-ce point là le propre de la spiritualité? Croire à l'immatériel? Ce groupe a-t-il décidé de ne se décider que si/quand les principaux cités dans cette affaire (1) confessent leur forfait,  (2) devant le juge? Scénario assez peu probable. Et même si cela se produisait, pourquoi de tels aveux ne seraient-ils pas vus, tant qu'à y être, comme le résultat d'une contrainte psychologique?
 
Dans le plus optimiste des cas, la loi dirait que l'accusation n'est pas fondée. Elle pourrait  dire  "Non-lieu". Elle pourrait conclure que la poursuite est abandonnée, faute de preuve.  Mais elle ne dira pas que l'accusé n'a pas fauté, et nous renverrait à nos analyses, pour ceux qui veulent encore analyser. L'attentisme du public indécis est une attitude qui  fait écho, dans mon esprit, à la posture des peuples contemporains du prophète Moussa (a.s), dans la sourate al Baqarah, qui dirent ne pouvoir croire à l’Autorité Suprême que, hataa nara Allahu jahran,  si celle-ci se présente physiquement devant eux. Dans l'exégèse du Livre, au lieu de qualifier ces gens de "neutres", les savants parlent plutôt d'hypocrisie...
 
Stratégie pour stratégie

La nature de la stratégie discursive adoptée a comme conséquence le fait que l'accusatrice soit vue comme une victime d'où le fait de regarder par-dessus son épaule et de s'adresser à la machine derrière elle. Ceci pourrait expliquer  l'apparente bienveillance de l'accusé envers l'accusatrice, Adji Sarr. Et quant aux deux avocats perçus comme acteurs, il leur est affecté une stratégie plus active, un raisonnement toujours dialectique, et sont renvoyés à leur propre contradiction: verbale, pour le premier, factuelle, pour le second. Une stratégie de la hauteur comme disait Michelle Obama "when they go low we go high". Une stratégie de cette nature,  à la place de celle  de l'affrontement directe,  aurait pu éviter à Ndeye Khady Ndiaye le choc  qu'elle a endurée face à son ancienne employée.
 
La confrontation tant attendue entre l'accusé et l'accusatrice n'eut donc pas lieu, tout comme la précédente convocation de l'accusé n'avait donné que peu de chose. Il avait semblé, lors de cette convocation précédente, que la partie adverse se fût préparée à l'affrontement. Avec un dossier supposé vide, le clan des accusés avait conclu à une stratégie de la chèvre et de la calebasse, qu'elle a su déjouer. Puis l'arrestation cavalière de la garde rapprochée de l'accusé serait alors l'application de la stratégie du loup et de l'agneau,  dans laquelle "la loi du plus fort" s'exerça. Et pendant ce temps, les neutres adoptaient, eux, la stratégie du vautour; observant et s'apprêtant à occuper le terrain vide. Mais. Avec la politique de la terre brulée, il n'y a pas grand-chose à hériter.
 
Refuser de croire que cette affaire ait des relents politiques semble relever d'une mauvaise foi troublante, presque autant que dans le cas de ceux pour qui le diktat de la France sur l'Afrique s'avère être un principe un peu trop compliqué à comprendre. 
 
Et je me prends à croire que les récents soubresauts qui hantent notre patrie-mère soient les dernières convulsions d’un monstre à l’agonie. Et je doute fort que la nation puisse, à la répétition  de spasmes d'une telle violence, 
sans séquelles, 
survivre.
 
Malé Fofana PhD
Discours, argumentation  & linguistique
 
 

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