Quand l’image inspire l’analyse

 


De fil en aiguille… 

Tout est parti d’un fauteuil. Une posture. Une image. Et me voilà, presque malgré moi, avec un millier de mots. Je n’ai pas pensé, Don't kill the messenger,  comparer M. Ousmane Sonko à Abraham Lincoln. Mais l’esprit a ses caprices ; le mien, iconographique, à perspetive sémiotique, s’accroche aux symboles, il tisse des parallèles. La célèbre statue de Lincoln, dans son marbre blanc, le regard tourné vers l’est et vers le Capitole, m’est revenue en mémoire au moment où je vois M. Sonko, assis, un peu courbé, certes, lors de sa rencontre avec la diaspora sénégalaise à Milan, ce 13 septembre 2025.  Le rapprochement était lancé. Presque à mon insu. M. Sonko a encore bien à prouver - comme il le dit lui-même - au-delà de son honnêteté, de son courage, de sa foi, de son patriotisme et aussi du tempérament. 

1. Leadership et légitimité politique

La légitimité politique - Weber - se décline en trois formes : rationnel-légale, traditionnelle et charismatique. Ces deux hommes ont su les combiner : élus par les institutions d’une jeune démocratie, ils dégagent aussi un charisme particulier, porté par le verbe et par la force tranquille. Pour Lincoln, cela incarnait l’Union dans la tourmente. M. Sonko, de son côté, s’appuie avant tout sur la légitimité. Il se veut la voix des sans-voix, des jeunes, des travailleurs, des oubliés. Il s’est toujours positionné contre une élite qu’il juge déconnectée, voire compromise avec les forces extérieures.

2. Rapport au peuple

Lincoln, sans être populiste au sens contemporain, savait trouver les mots pour les masses laborieuses et pour les esclaves privés de tout droit. Ses discours, notamment celui de Gettysburg en 1863, invoquaient une universalité des droits et une communauté politique élargie. M. Sonko, lui, révèle explicitement cette fracture : d’un côté, le peuple sénégalais — jeune, impatient, combatif ; de l’autre, une élite soupçonnée de compromission et de trahison. La dialectique est frontale, et c’est elle qui galvanise ses partisans.

3. Style de communication et rhétorique

Ils partagent une maîtrise du verbe, mais avec des nuances. Lincoln maniait l’éloquence sobre et solennelle, nourrie de références morales et bibliques. Sa parole cherchait plus l’apaisement et l’unité dans un pays meurtri par la guerre fratricide de Sécession qui fera finalement 750000 morts. M. Sonko, en revanche, a un ton parfois calme ou énergique, mais toujours direct, souvent polémique, imprégné de références spirituelles musulmanes, et porté par l’énergie d’une jeunesse mobilisée. Là où Lincoln visait la réconciliation, M. Sonko appelle à la rupture et à la reconstruction. Cette différence pourrait expliquer à la fois l’enthousiasme qu’il suscite et les controverses qui l’entourent. 

4. Héritage et symbolisme

Lincoln appartient désormais au panthéon des figures universelles : il est devenu le symbole de l’unité américaine et de la lutte pour l’égalité. M. Sonko, lui, est encore en chemin bien qu’il soit déjà une icône aux yeux de plusieurs. Héros pour ses partisans, menace pour ses adversaires. Son héritage, déjà assez riche, se construit encore, à l’épreuve du pouvoir et de sa capacité à transformer ses promesses en actes.

Conclusion

La comparaison entre ces deux hommes révèle un rapport viscéral au peuple, une volonté d’incarner justice et dignité. Là où Lincoln a trouvé dans la rhétorique d’unité et dans les institutions le socle d’une transformation historique, M. Sonko inscrit son combat dans un contexte africain en quête de souveraineté et de renouveau démocratique. L’un a déjà laissé son empreinte sur l’histoire universelle. L’autre, sous les yeux d’une jeunesse impatiente,  continue de sculpter la sienne, malgré un parcours déjà bien solide et emblématique.

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