La rhétorique du déni



Plusieurs institutions nationales et internationales ont enquêté sur la dette cachée du Sénégal, révélée entre 2024 et 2025. Parmi elles : des organes de contrôle sénégalais, des institutions financières internationales et des acteurs de la société civile.

Des observations susceptibles de déterminer des malversations de la part du régime sortant, produites, indiquant une dette cachée. Celui-ci et ses partisans, comme aveugles ou borgnes, dans le déni, se bornent, au risque de se saborder. Les enquêtes de la Cour des comptes, pourtant longtemps maintenues sous le coude et le code de la censure, seraient maintenant peu fiables ; les résultats de l’Inspection générale des finances, remis en question ; le Pool judiciaire financier, partisan ; les conclusions de Forvis Mazars, perçues comme téléguidées ; des collectifs citoyens  comme le Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes, sans crédit. 

On aurait dit qu’il fallait une voix « autorisée » pour déclencher une prise de conscience. Aujourd’hui, le FMI confirme une dette d’environ 7 milliards de dollars, cachée ou sous-estimée par l’administration Sall. Puisque « la vérité sonne blanche », comme le disait Cheikh Anta Diop, vont-ils enfin l’admettre ?

Une question rhétorique sert simplement à indiquer par où diriger les réflexions. La vraie question n’est pas « quoi », puisque l’art de l’acceptation ne semble pas politique, mais la question est plutôt: « comment », vont-ils réagir. L’adversité systématique est fascinante à observer : elle révèle les ressources de l’esprit humain pour inventer des contre-arguments. Cette capacité de résistance aurait pu produire de meilleurs résultats, pour peu qu'elle ait été mobilisée dans la vertu. Le pessimisme d'El haji Malik El Shabaaz serait-il alors de la clairvoyance ? Écouter les mots des opposants, lire entre les lignes, retourner leurs arguments, la vérité se cache dessous. En politique, la théorie - de la protection - des faces (Goffmann) est poussée à l’extrême. Certains y verront un art, d’autres, une tare. Même si le mot « taar », en wolof, renvoie à la beauté! Fortuite coincidence?

En tant que spécialiste de l’argumentation, je m’intéresse moins à la vérité qu’à la manière dont l’homme résiste, se défend et se reconstruit. C’est là une source de connaissances rare. Le peuple de Moïse, témoin des plus grands miracles — ayaat al kubra — (comme la traversée de la mer Rouge), a fini par douter du Sublime. Le déni semble intemporel.

Dans la logique, je parle de la discipline, la vérité se mesure à l’existence ou à l’inexistence d’un fait. En argumentation, ce n’est pas la vérité qui prime, puisque l’intention n’est pas matérielle, mais la vraisemblance ou la pertinence. Pour attirer l’attention sur ce fait, dans mes cours de rhétorique, je demandais aux étudiants — en plaisantant, mais pas tant — de promettre qu’ils n’utiliseraient jamais l’art de séduire pour réduire l'autre dans le but de nuire.

Maintenant que le FMI a parlé, je suis curieux : quelles parades vont-ils encore inventer ? Comment vont-ils se positionner ? L’humain, comme  disait Denzel Washington, « Anything he trains himself, he can be good at. » L’homme excellera dans tout objectif qu’il se fixe — même dans le déni. C’est là sa force… et son fardeau. Adopter la posture de Maam Maodo, qui indique que, dans la course de ce monde, la poussière peut camoufler les montures, de sorte qu’il est possible de monter sur un âne et le présenter comme un pur-sang. On se demandera si la fin de la course est dans cet univers ou dans l’autre. Par contre, pour Al-Maktuum, il ne fait pas de doute : la lutte est bien ici et maintenant, puisque le Sublime n’est pas contraint par le temps, aussi longtemps que cela reste moral — en politique, on dira "élégant".

Il peut sembler naïf de parler de morale en politique. Mais si la morale avait sa place, pour le cas qui nous concerne, je me rappellerais les mots de Maam Borom Tuuba. Loo'y bañ mu siiw Ce que tu ne veux pas que les gens découvrent, Bul wéet di ko def.  Ne t’efforce pas de le cacher… Ne le fais juste pas.

Malé Fofana PhD

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