Prise deux, Sortie trois : Pr Songué et Bouba Ndour, doxa et paradoxe.
Voici une observation sommaire de
la troisième sortie du Pr, qui était censé clore le débat. Il y a du nouveau et
du vieux.
On a du nouveau (voir mon article précédent sur le même sujet). Cette fois-ci, (la Tfm par la voix de) Bouba Ndour s’associe au Professeur. On
est face à un cas de discours interactif,
discours collaboratif ou co-construit, ou si vous voulez, un discours construit conjointement entre les
trois, car l’animateur de l’émission Jakarloo y participe aussi.
On a, par contre, du vieux qui reste
malgré tout nouveau, pour moi. Le paradoxe.
Est-ce moi qui ai une logique particulière ou le Sénégal qui fonctionne
autrement? Le mot paradoxe vient de doxa
qui veut dire une logique, une pensée plus ou moins partagée. Et para, revenons à nos cours de
math, qui veut dire en quelque sorte à côté : deux lignes parallèles ne se touchent jamais. Une
logique paradoxale est un schème de pensée qui évolue à côté (sans jamais) toucher
une autre pensée. Comme pour dire qu’on ne sera jamais d’accord. Pourtant le
wolof dit qu’on peut toujours s’entendre si on discute (reer’oo am’ul, gnakk
waxtaan’a am), j’ai envie d’ajouter (bu kenn reey'ul) « à condition d’accepter
ses erreurs ».
Voici le paradoxe, j’ai moi-même de
bonnes intentions, et j’accorde la même volonté au Professeur, et à la Tfm. Pourquoi
n’arrive-t-on pas à dire la même chose? Ceci vient confirmer le fossé entre une
idée et sa représentation (une forme d’expérience).
Voici des raisonnements faux, une
logique fallacieuse, si vous voulez un terme technique, qui nourrit ce
paradoxe :
Celui de Bouba Ndour et de l’animateur de l’émission:
Voici le raisonnement de Bouba
Ndour :
-
1 « Le Pr fait l’émission depuis quatre ans gratuitement » donc, il ne peut être mal intentionné, ni intéressé. Je te propose une autre
conclusion « il le fait gratuitement donc, il n’a pas de mauvaises intentions ». Je
précise : le Pr veut juste sensibiliser le Sénégal, d’où son refus de
salaire pour l’émission. Mais le professeur en tire quand même une notoriété
(ce qui est une reconnaissance supplémentaire, même s’il n’en a plus besoin.
J’ai découvert (et développé de l’estime pour) le Pr à travers l’émission Jakkarloo;
-
2 « Le
Pr a de bonnes intentions, » donc
il ne peut être fautif!! Je propose à Bouba Ndour une autre conclusion : «
le Pr a de bonnes intentions, à la base, donc,
peuple sénégalais, acceptez ses excuses, car c'est l'intention qui compte »; D’accord. Mais il faut d’abord
que le Pr en présente, des excuses. Sinon cela ne fonctionne pas : balaa
nga naan naam né fa;
-
3 « Le professeur est mon aîné » en
âge, en savoir, et en connaissance, donc je lui
dois du respect, donc je ne peux lui
dire tu as fait une erreur » !!!! oh, le droit d’aînesse! Je vous laisse conclure.
Voilà ce qu’on appelle des
raisonnements défectueux. Mais à la décharge de Bouba Ndour et de l’animateur
de l’émission qui répétait machinalement tigui
(c’est-à-dire en effet) avant même que le professeur finisse ses phrases, ils
sont en admiration devant le Pr. On peut effectivement l’admirer pour son aura
intellectuel, mais prendre l’effort psychologique, d’occulter un instant le
prestige du Pr pour apprécier uniquement les propos qu’il défend. Le professeur
a bien manipulé Bouba Ndour et l’animateur de l’émission. Pardon, disons que
les propos du Pr ont eu un effet de manipulation, ils ont eu l’effet d’inhiber
les deux interlocuteurs. En fait, le Pr a tellement fait d’éloge à Bouba Ndour (du
haut de son pupitre), que celui-ci a
perdu les pédales et n’a même pas pu lire les notes qu’il avait apparemment
préparées, c’est une logique infaillible. Même dans les livres sacrés, les
prières commencent par l’éloge avant de finir par une demande (cf. Al Faatiha) .
L’animateur de l’émission ne s’y est pas trompé, accordons le lui, puisqu'il demande, à haute voix, si Bouba Ndour serait capable de prendre convenablement la parole à la suite directe du Pr.
Le Professeur :
Quant au professeur, il vient de
faire une troisième sortie, et il est encore passé à côté. Il n’a peut-être pas
lu mon articleprécédent, pourtant je ne fais qu’y signaler, preuve à l’appui, ce que tout
esprit cohérent peut concevoir.
Il vient de répéter les deux
mêmes erreurs que j’avais déjà soulignées.
-
Erreur 1,
La simplification :
Il nous redemande de ne pas réduire
sa personne à ses propos. Il est plus complexe et plus riche que cela. Je le
lui accorde. Mais, le Pr n’est pas cohérent car il fait lui-même ce qu’il nous
reproche : il réduit le viol à une seule forme, celles que causent des provocatrices. La situation qu’il cite est l’arbre qui cache la
forêt. On peut bien sûr parler d’attentat à la pudeur puisque c’est
cela qui est visible, mais rendre aussi justice aux filles viol(ent)ées alors
qu’elles n’ont pas encore des formes affirmées, ne revendiquent aucune
philosophie vestimentaire puisque ce sont les parents qui les habillent, et sont
quand même en lieu semi-privé (la maison). Qu’est-ce qui lui empêche de
reconnaître cela AUSSI!! Encore une fois, c’est une question qu’il ne faut pas résumer. Quand on
décide d’en parler, il faut le faire de manière globale, ou ne pas s’y attaquer
du tout.
-
Erreur 2,
L’écart entre une idée et son expérience :
Le Pr convoque, avec l’appui de
Bouba Ndour, l’ethos religieux comme garantie de bonne foi. Je vais (re)démonter
comment la même idée peut générer deux positions ou représentations tout aussi
opposées. Bouba Ndour dit qu’il est
conscient que nous allons tout mourir un jour : on est tous des mortels, et
puisque le professeur le sait, il ne
peut mal agir, et puisque que « je (Bouba Ndour) saits que je suis mortel et que je rendrai des comptes, je ne le soutiendrai jamais
dans l’erreur ».
Mon raisonnement, à moi, serait
« puisqu’on est tous mortels,
donc humains, on peut tous se tromper », en fait il n’avait qu’à répéter
la chanson de son grand frère, Youssou Ndour : nit ku dul juum amul (un
homme qui ne se trompe pas n’existe pas).
Ce raisonnement repose en fait sur un
argument religieux: « nous devons comprendre que puisque le Pr sait qu’il est (un) mortel,
il ne peut pas être (assez) orgueilleux pour ne pas reconnaître ses erreurs.
Puisqu’il est mortel, et croyant, il sait qu’il rendra compte de ses faits et
mots à l’Autorité Divine. Donc, on doit lui faire confiance, il a bien mesuré
la portée de ses déclarations ».
Je vais prendre la même idée et
défendre une position contraire tout aussi solide ou plus encore, puisque je
fournis des arguments alors que le professeur dit tout simplement : « faites-moi
confiance, je sais ce que je dis ». Voici l’autre représentation :
Je suis conscient je suis mortel, alors je ne me considère pas comme plus qu’humain (l’orgueil
implique d’une certaine manière qu'on se considère comme plus qu'humain). Même si le Pr n’a pas analysé le problème sur le terrain, il
peut aisément concevoir la multiplicité des circonstances du viol. Je
reprends : « Si je sais que je suis mortel, je ne dois pas faire
preuve d’un orgueil qui est la trace de la psychologie de quelqu’un qui se
croit, consciemment ou pas, comme plus qu’humain. Si je parle de la face
visible du viol (ce qui est légitime puisqu’il convoque la religion ou la moralité), je dois
aussi parler de sa face cachée ». Le Pr ne doit surtout pas s’excuser uniquement
auprès de ses admirateurs qui souffrent pour lui, il doit avoir une pensée
(empathie) pour des victimes (jeunes ou moins jeunes) innocentes qu’il a blessées profondément en les
ignorant, et en occultant leur calvaire.
Aussi longtemps, qu’un
communicateur n’est pas conscient de ceci, il n’est jamais à l’abri de ce genre
de problème.
Est-ce que cette position défendue est
acceptable et acceptée par une certaine frange de la société? Est-ce que le
peuple est prêt à faire pression, ou bien est-ce que ce n’est pas le moment, et
il faut laisser passer jusqu’au prochain coup d’éclat? Le temps nous le dira.
Mon analyse ne fait pas projection dans le futur.
Pour ce qui est du
« nous » que le Pr continue à utiliser depuis le début, c’est un sac
fourre-tout qui est, paradoxe, très fertile et stérile à la fois en analyse du discours, qui joue
sur le flou du référent. Celui qui l’utilise se cache derrière les ambiguïtés
du qui est-ce qui parle (?) : nous
peut référer à tous et rien : Nous,
les bien-pensant; nous, les religieux, nous les hommes; nous la Tfm …. .
Dire
Je, aurait été plus simple. Le nous est ambigu et est polémique, or je ne fais pas dans la polémique.
Dalla Malé Fofana PhD
Analyse du discours, communication et linguistique
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