Le discours du prétendant, de l'autorité, et du pouvoir



Le discours du prétendant

Il est souvent reproché à  l'expert-analyste de s'intéresser plus au discours de l'opposition, et moins au discours du gouvernant.
Il, l'analyste, est un amateur de l'art, de la chose bien faite ; et il applaudira le chef-d'oeuvre, même s'il est produit par un candidat qu'il n'endosse pas...


Tout d'abord, nous devrions nous intéresser plus aux mots et aux actes, en laissant de côté les personnes, en laissant de côté les intentions. Voilà la source de la polémique éternelle qui occupe le champ politique africain. 

Donc :
  • au lieu du discours de l'opposant, nous parlons du discours du prétendant, généralement plus évocateur, plus entreprenant et inventif, car relevant d'auteurs luttant contre un adversaire plus fort. La logique du prétendant est  le savoir qu'il ne peut atteindre son objectif que par le raisonnement (ou la ruse)…
  • au lieu du discours du gouvernant, parlons du discours du pouvoir: le discours du pouvoir est, bien trop souvent moins abouti, moins subtil, car s'adressant à un adversaire, en principe, plus faible. Sa logique est " je peux toucher mon opposant par la force, mais comme c'est coûteux, essayons d'abord le raisonnement ou la ruse …" 
En réalité, le gouvernant ne devrait même pas adopter le discours du pouvoir (en argumentation pouvoir et autorité sont différents):
  • Le discours du pouvoir se fonde sur une force de coercition physique qui repose sur la menace de la sanction,
alors que
  • Le discours de l'autorité suppose un respect, une obéissance due à un aura, un ascendant  non imposé, mais plutôt accepté, il est plutôt virtuel, psychologique.
La question du pouvoir et de l'autorité existent, par exemple, en religion. C'est la  différence entre:

  • celui ou celle qui pratique sa religion par peur du châtiment ou de la récompense détenus par le pouvoir de l'instance Supérieure, 
  • et celui ou celle qui se soumet à l'autorité de l'instance Supérieure, par amour ou déférence...

Mais allons plus loin:

Au delà du discours du pouvoir ou du discours de l'autorité, un  gouvernant devrait aussi régulièrement explorer, et recourir au discours du prétendant. Il est important de préciser, ici, que:
  • le discours du prétendant n'est pas un discours de faiblesse: en l'abordant comme il faut, le gouvernant ne donne pas l'impression de ne pas être à sa place, ou de manquer de confiance,
  • le discours du prétendant n'est pas non plus un discours de promesses

Il est plutôt question d'un moteur, d'une manière de voir qui se ressent à travers toute sa communication.

La difficulté de la communication de celui qui dirige (ou a déjà dirigé) est que ses actes d'hier viennent teinter ses propos d'aujourd'hui. La valeur de ses actes est appréciée selon ce qu'il a fait de ses paroles antérieures (discours de promesse).

Quant à l'opposant, la valeur de ses propos, est affaibli par l'absence d'actes pour les illustrer (cf. expérience). Le public ne peut que préjuger de la bonne foi ou de la rigueur que celui-ci a pu démontrer dans un autre domaine, généralement réduit.

Même au sein de la vie de couple, le moteur de la relation repose sur le fait que l'homme autant que la femme, continue de tenir le discours (et les actes) du prétendant, même après la cérémonie du mariage!!!

La parole et les actes

Lors des journées de formation sur le discours institutionnel organisées par le Cesti, en partenariat avec l'Ambassade des Usa, nous avons passé la moitié de la journée réservée au discours politique, à voir la minutie avec laquelle choisir ses mots. Puis, on a passé l'après-midi à presque déconstruire ce qu'on a fait dans l'avant-midi, autrement dit, en montrant le peu de poids que les mots peuvent avoir par rapport (non pas aux actes et à leurs auteurs), mais par rapport à l'image que le public se fait de ces actes-là et des auteurs.

La réalité est que pour informer, les mots suffisent. Mais pour persuader, ou même pour convaincre, les mots sont loin d'être assez ....

  1. Les mots (le discours, si vous voulez) garantissent le présent;
  2. Les actes (ou le parcours) font référence au passé;
  3. Il reste le futur que l’auditoire, l'audience, le public, le peuple, construit, conçoit par rapport au discours présent, et au parcours passé!!!

Mais quoi qu'il arrive, le passé n'est qu'un présent qui n'est plus actuel: "yesterday is history, tomorrow is mistery, today is a gift that's why we call it present"....

Pour conclure...

En Afrique, il est bien préoccupant de se rendre compte que les propos tendent à être une façade, mais que d'autres éléments entre en jeu. Il semble, il faut le nommer à un moment donné, que l'argument économique pèse lourd sur la balance. L'argent dont disposent les candidats semble être l'outil sinon l'arme décisise. Soit dit en passant, ce n'est pas nouveau, c'est aussi le nerf de la guerre qui avait fait gagner le président Obama, notamment avec les dons des célébrités pour les Démocrates.

Mais il ne faudrait pas négliger les mots.

Certains faux-pas sur le plan de la communication, peuvent avoir le poids d'un acte et l'envergure d'une réalisation physique, qui peut jouer contre un individu quelle que soit sa force sur le plan économique et financier.

Il peut bien arriver un moment où, l'oreille entendra même si le ventre est vide: ne pas négliger les mots. Il est arrivé que des personnalités politiques n'échappent pas à la chute, malgré les moyens titanesques déployés.

Malé Fofana PhD

ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication
Sherbrooke, Québec, Canada



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