Babylone - Système: Dessins croisés de deux combattants
Lors de sa dernière conférence de presse, on pouvait s'attendre
à voir l'homme sortir avec une diatribe colérique. Mais il est apparu
par une autre porte. Il semble danser, si seulement il danse, à son propre
rythme. Comme prenant la stature et la mesure de l'homme d'état qui
mature. Mais peut-il vraiment encore hausser la voix plus qu'il ne l'a fait
dans le passé? Comme Serigne Cheikh, il semble dire: "" je vous ai
dit tout ce que je savais, de toutes les manières que je pouvais. Il ne vous
reste plus qu'à agir". C'est à vous de me rendre la pareille, et me livrer
l'appareil dont j'ai besoin, pour compléter ma vision pour cette nation".
Je me sens, parfois, inutile. Devant
certaines situations. Je ne peux, comme un financier, un économiste ou un
juriste, jongler avec les chiffres, avancer des projections statistiques
ou poser triangulations mathématiques. Je ne suis qu'un spécialiste en sciences
du langage et de l'argumentation, peintre à ses heures perdues, féru de
philosophie spirituelle.
Mais ce qui me rassure est la
conviction que nous ne nous développerons que quand chacun fera, et se limitera
à ce qu'il maitrise. Et les moutons seront bien gardés....
Je suis aussi rassuré par les mots de
Cheikh Ahmadou Bamba qui nous prévient. Ne vous focalisez pas à forger le
pays au point d'oublier la moralité de celui qui y habite. Car, alors,
immanquablement, celui-ci qui y habite détruira ce qui y est construit. Je
me dévoue donc à la conscience et je laisse aux autres la science, dure. Je
me destine à me forger, personnellement, et peut être, dans ce processus,
interpeler d'autres, à travers le langage, l’argumentation et la
communication.
En observant les aberrations de notre société, je ressens un sentiment
bouillonner tout au fond de moi, comme dans notre plus tendre jeunesse. Et ceci
me ramène à nos inspirations d'antan, à nos aspirations d'enfants.
Et je note un parallélisme entre Robert Nesta Marley et Ousmane
Sonko.
Marley, au plus haut de sa notoriété,
nourrissait quotidiennement plus de mille personnes, dans son entourage. Il a
hypothéqué sa vie pour son pays. Il pensait avoir donné à son peuple, ce que
l'argent ne peut acheter. Et pourtant. Quand il fut trop gênant, quelques
jamaïcains vendirent leur âme, prirent les armes et essayèrent de le liquider
physiquement. La plus grande déception de sa vie... Un fait qu'il n'est jamais
arrivé à comprendre, dans toute la candeur de son engagement.
A bien y regarder, malgré son impact
mondial, Marley avait un côté utopique. Celui-là que Cheikh Anta Diop a voulu
éviter en formant un parti politique, pour ancrer ses idéaux. Si cette affaire
s'avère « formellent » être un complot, l'histoire se répéterait.
Malheureusement.
L'autre point commun entre ces deux
activistes est "le don de soi" qui est, curieusement, la devise du
parti Pastef. Ces deux hommes se battaient tous contre un principe.
Depuis celui de Babylon (Babylone System is a Vampire). Marley a consumé
sa vie, ou plutôt a laissé sa vie se consumer. Il a littéralement mené une
course contre la montre. Il aurait pu, au grand dam de ses producteurs, arrêter
ses tournées et soigner son cancer. Il a préféré faire bénéficier au monde de
ce qu'il avait, pendant qu'il le pouvait, sans calcul. Jusqu’à ce que son
cancer se généralise. "Jusqu’à ce que mort s’en suive" : La loi d'honneur des duellistes. Alexandre Dumas nous l'apprend.
De la même manière, comme Marley, il apparait que
Ousmane Sonko ait tendance à s'oublier et à négliger sa condition. A ceux
qui disent qu'il aurait pu se servir des caisses de son parti. Il semble
répondre qu'il n'a pas la culture de la caisse noire. Il est à supposer
qu’après cette affaire, un budget, à cet effet, lui sera dévolu (la fameuse "budgetisation"). Cet épisode-ci
expose sa vie privée et son corps comme le fut, autrefois, Diego Armando
Maradona quand il dut choisir la mère-patrie-Argentine face à sa terre
d'adoption, l'Italie, lors de la Coupe du monde de 1990, en exécutant ce fameux
tir au but. L'intimité de Ousmane Sonko sera sans doute plus dévoilée
encore lors du procès, si procès. Mais avec ceci, d'autres faits louables de sa
vie dissimulés avec minutie, pourraient être exhumés. À son corps
défendant.
Jusqu'à preuve du contraire, pour moi,
il est innocent. Ceci est aussi le principe de la loi. Mais présentement, avec
le mouvement "Moi aussi", en cas d'accusation de viol, un tel principe
semble inversé.
On pourrait reprocher à Ousmane Sonko
d'avoir été vindicatif et colérique dans le passé, tout comme on peut lui
reprocher, lors de sa dernière sortie, d'avoir été moins tranchant. J'estime
que c'est un ton plutôt adéquat, car il se livrait au peuple par rapport à son intimité. Et il avait le choix entre deux extrêmes. Le ton qu'il
a adopté pourrait avoir pour effet de rallier les indécis
sur sa personne, sur ses motivations, et ses choix personnels. Car
aujourd'hui, il semble avoir besoin de plus que son parti pour l'aider à tenir
tête. Il semble avoir besoin de bien toucher les cœurs, de mettre les
gens debout d'abord, avant de pouvoir leur faire entamer la "longue marche" que
son combat peut requérir. Il a besoin de laisser une empreinte bien profonde
afin qu'elle soit plus indélébile que l'encre de nos bureaux de vote
(Oups!).
Mais peut-il vraiment encore hausser la
voix plus qu'il ne l'a fait dans le passé? Comme Serigne Cheikh Ahmed Tidiane
Sy, il semble dire: "" je vous ai déjà dit tout ce que je savais, de
toutes les manières que je pouvais. Il ne vous reste plus qu'à agir". À
vous de me rendre la pareille, de me livrer l'appareil dont j'ai besoin, pour
compléter ma vision. Pour cette nation".
Malé Fofana PhD
Auteur, Conseiller linguistique et
communication
ComUnicLang-Bataaxel
Sherbrooke, Québec, Canada
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