Mots et échos, Bouky-l'hyène et la carcasse du zèbre





Linguistique et pragmatique

Les mots ont une force perlocutoire (cf. la pragmatique). Conformes aux faits ou non, certains mots prennent en effet racine dans l'univers mental, comme un cancer qui laisse des traces après la chimio.

Quand un père dit à son enfant "tu n'es pas mon fils", un test ADN positif, ne changera pas grand-chose à ses excuses. Celui qui dit à sa fiancée, "je ne t'aime plus", pourra évoquer toutes sortes d'excuses, la tache ne partira pas complètement (cela me rappelle le scandale de l'encre non-indélébile d'une certaine élection passée.... chuut!!! les mots prennent racine)....

La communication est une fabrication, quand le mot "cheval" est prononcé, on pense tout de suite à un certain animal. Pourtant, le mot "cheval" n'a aucun rapport avec l'animal en question (arbitraire du signe, cf. Saussure). On aurait pu appeler cet animal autrement, si ce lien entre la chose-nommant et la chose-nommée est établie, elle se renforce avec le temps, et donne l'impression d'une évidence....

En didactique, les neuropsychologues parleront de connectionnisme. Plus un terme est utilisé pour nommer un  objet,  plus des liens se forment entre les deux.

Manipulation et propagande

Un étudiant, dans mon cours de rhétorique,  a eu bien raison quand il m'a posé la question  "pourquoi donc Hitler, qui a créé de toute pièce son histoire de suprématie de la race blanche, a-t-il couru le risque de se faire démasquer en invitant le monde en Allemagne lors des  jeux olympiques de 1936?"

Ce geste d'Hitler n'avait pas de sens en communication. En effet, la propagande est une forme de manipulation. Mais :

- elle ne vise pas une seule personne,
- elle cible tout un groupe,
- elle est orchestrée par une (ou des institutions) en position d'autorité.

Donc dans un contexte de propagande, la population doit être maintenue dans cette forme de réalité fabriquée, et tout est fait pour éviter que des éléments ou des informations de l'extérieur viennent dévoiler la supercherie.

Alors pourquoi, le stratège qu'est Hitler, (malgré tout), a-t-il "invité le monde" dans son fief, au risque de faire démasquer son histoire inventée ??

Bouky et le zèbre:

Un petit conte vulgarisé par Oustaz Alioune Sall pour illustrer ceci:
Bouky-l'hyène, et son épouse, en pleine sieste de digestion, après un repas copieux (!?), se font déranger par leur bruyante progéniture. Quand, il en a eu marre, il leur a dit : " de l'autre côté de la montagne, dans la direction du Levant, un zèbre bien dodu, vient de tomber de fatigue. Allez-y, vous aurez de quoi remplir vos ventres insatiables". Dès qu'il a eu fini de leur raconter cette fable si bien pensée et formulée, les enfants se sont rués dans la direction indiquée, avec tellement  de conviction et de ferveur, que Bouky lui-même, c'est dit : "et si j'avais raison?". Il  bondit sur ses pieds (euh ses pattes!) , sa femme à sa suite, et ils courent vers le zèbre hypothétique !!!!

La fiction peut devenir réalité, quand elle se généralise. On peut y plonger au point qu’à la longue elle devienne une réalité. Voilà ce qui est arrivé au Furer (Hitler)!!! 

Le vertige de l'incohérence

En biologie, le mal de mer est dû au fait qu'on puisse regarder une chose statique (journal, par exemple) et que les oreilles, organes de l'équilibre, enregistrent un mouvement dynamique. Il se produit alors un décalage qui perturbe le cerveau.
L'auditeur sénégalais tend à vivre une ambivalence en voyant un individu dont l’apparence correspond à des valeurs sociales (âge, habillement, référent religieux, cheveux blancs .... ) mais qui d'un autre côté, produit un discours de contre-valeurs. Si son discours reste cohérent, ses actes et ses propos s’avéreront plus tard non conformes aux faits (avec - pire encore - le sentiment d'un désir de tromper). Ce déséquilibre est source de vertige, et de perte de repères, chez le public.

Poussière, leurres et lueurs

Le réel n'est qu'une perception majoritairement partagée.
Convoquons l'argument religieux, et cela ne manque pas de pertinence, puisque les acteurs politiques se réclament de cette valeur.  

Mame El Hadj Malick Sy disait que, dans ce monde-ci, certains prétendent monter sur un cheval alors qu'ils sont sur un âne, d'autres déclareront être sur un chameau alors qu'ils sont sur un grand mulet.
Il ajoute que dans la course, la poussière empêche de distinguer les montures. La vision ne sera claire qu'à la ligne d'arrivée.
Maintenant, un groupe (d'acteurs ou de spectateurs) fera la corrélation avec la course de la campagne électorale.
Mais, pour un autre groupe (de cavaliers surtout), la ligne d'arrivée, n'est pas le lendemain des élections,
mais plus tard,  
bien bien plus tard,
le jour de Ragnaroc, Yawmu al Qiyaam, l'après-vie quand les montagnes seront aplanies, et la poussière (de la course, al takaathur) se sera affaissée.

Junj doy na borrom xel

Malé Fofana PhD

ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication
Sherbrooke, Québec, Canada

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