Le journaliste, le griot et la noblesse de l'oralité



Une campagne électorale est un moment de grands enjeux. Les acteurs s'oublient, d'où une grande visibilité des natures et stratégies en jeu.

Et on se rend compte qu'on a un problème, quand les adultes abandonnent les valeurs et principes d’aînesse (cf. injure, et autres ....). Le problème est bien réel, quand les jeunes manquent de respect aux adultes (cf. La question du saïsaï).

Mais le malaise est plus profond que cela, et touche toute la société. Un autre indice de la société à l'envers, est quand les agriculteurs sont parmi les plus pauvres, alors qu'ils devraient être parmi les plus riches.

Enfin, si le journaliste se soumet à la personnalité politique, alors que c'est la personnalité politique qui aurait dû le craindre, on a bel et bien un problème. On devrait avoir, comme cela arrive ailleurs, des personnalités des médias qui sont des idoles. Les personnalités politiques étaient fières de se faire interviewer par Oprah Winfrey, Larry King,  Howard Cosell .....

Aujourd'hui, dans la société sénégalaise, quand vous dites d'un journaliste qu'il est un griot, il aurait dû être fier de cela. Ceci aussi, est un symptôme de la crise des principes de notre société: le griot n'est plus ce qu'il était.

Il était, le griot, une institution dans nos sociétés orales, car on n'avait pas l'imprimerie de Gutenberg. Il fallait donc une araignée qui tisse sa toile et tient ensemble les parties de la société, un symbole qui soit la mémoire des hommes (cf. Djibril Tamsir Niane). Amadou Hampaté Ba ne dit-il pas qu'en Afrique quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle? Mon professeur d'histoire et de géographie, qui a eu Cheikh Anta Diop comme enseignant, disait que celui-ci n'est jamais entré en salle de classe avec un document écrit ou un livre.

La mémoire et l'oralité sont d'une puissance phénoménale.

Par contre, il faut une éthique pour les encadrer. Un griot qui avait en tête toute l'histoire d'un peuple aurait pu refaire l'histoire et nous en donner une autre version. D'un roi juste, il peut faire un sanguinaire (d'où le respect que le roi lui voue). Mais le griot avait de l'éthique. Cette éthique ne se limitait pas au griot. Le colon savait que le cultivateur africain a beau dormir sur un lit dur, quand il donnait sa parole, la poignée de main qui l'accompagnait était plus solennelle qu'une signature,écrite sur du papier, couverte d'un sceau de cire.

Voyez-vous, la belle parole africaine est fondée sur l'authenticité, et n'a pas beaucoup à envier à la rhétorique occidentale, qui dans le passé, a souvent été assimilée à l'art de tromper.

Pour l'argumentation moderne, le vrai n'existe pas. On parle plutôt de vraisemblable. Mais il ne faut pas critiquer la rhétorique occidentale sans discernement. Car il est aisément possible de comprendre la problématique de la vérité.  La notion de vérité est assez relative, comme nous l'avons vu dans d'autres articles (Aux victimes des extrémismes idéologiques, les drames de la certitude).
N'oublions pas non plus que Rabelais disait que science sans conscience n'est que ruine de l'âme. D'une certaine façon, il parlait des valeurs qui doivent encadrer le savoir. Ceci ne tombe pas bien loin de "iqra bismi rabbi ka" (cf. Quran), autrement dit, "inscris ton apprentissage dans une éthique" (civilisation d'origine orientale).

À côté de la question de la vérité, il y a la question du jugement. En général, en parlant de vérité, je suis en train d'évaluer non pas les faits, mais les intentions.

Un journaliste dit: "Les propos du candidat ne sont pas conformes aux faits". Présenté comme ceci, il n'y a pas de débat qui fasse long feu. Par contre, le fait de juger les intentions  (subjectivité, attributs psychologiques: Charron Kerbrat-Orecchioni ...) qui ont amené la personne (cf. le candidat) à émettre les propos en question, ceci  est la clef de la polémique. L'individu indexé pourrait bien avoir l'intention qui lui est reprochée (la tromperie), mais puisque ces intentions-là sont et restent non visibles, l'auteur peut les nier (et, ainsi de suite). Et celui qui accuse ne peut être catégorique, puisqu'il ne fait qu'une supposition (des intentions de l'autre).

Le mieux est donc d'en rester aux faits, et de laissez le peuple décider.

De toute manière, une personnalité qui a l'habitude d'émettre des propos qui ne sont pas conformes aux faits, se construit elle-même sa propre réputation. Cette réputation peut être aveugle et fatale. Mais elle est, et reste, une image qui peut être plus moins conforme.

1 - Les mots d'une personnalité politique garantissent son présent, 
2 - Ses actes  garantissent son passé, 
3 - Sa personne garantit son future.

Il faut que ces trois conditions soient réunies pour qu'un citoyen se laisse persuader.
Notez bien: le paramètre de l'achat de conscience fausse le rapport, ci-dessus établi!

Malé Fofana PhD

ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication
Sherbrooke, Québec, Canada

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