La diaspora, cette belle dame, rebelle et revêche


Retour sur les élections présidentielles du Sénégal.
Acte 2

Cette dernière élection a probablement fini de convaincre de la place importante de la diaspora dans la politique au Sénégal :
picc'a ngui ci kaw, xel ma'a nga ca suuf
(l'oiseau a beau être en haut, son esprit est en bas....)

Il a souvent été question, durant la campagne électorale, de bilan matériel et immatériel:
Pour apprécier la place de la diaspora au Sénégal, il faut faire cette même distinction.

En effet, réduire la diaspora à sa plus simple entité, physique, autrement dit, le  nombre des émigrés, n'est pas une perspective conséquente. Il faut prendre en compte sa masse symbolique. Difficile à mesurer, car au-delà du nombre,  chaque émigré a un impact sur sa famille, ses amis, son quartier au Sénégal ...
C'est un arbre dont les racines et les ramifications peuvent être très étendues. 
reen'u gnambi kenn xam'ul fu mu'y feulee….
(personne ne sait jusqu'où pousse la racine de l'igname)

Cette réflexion n’est pas nouvelle, toutefois. La radio Keurgoumak, avec l’émission Péncum Sénégal, en 2006,  avait déjà ciblé la diaspora. J'avais analysé cette approche dans ma thèse (résumé vidéo, 12 minutes)  en 2015.

La diaspora est une force grandissante qu’aucune formation politique ne doit, ni ne peut ignorer.

Alors il ne reste plus qu'à aller à sa rencontre!!

Seulement, ce n'est pas aussi simple. Aller à sa rencontre, c'est comme aller en terrain inconnu. C'est un auditoire particulier. En communication, mieux on connait, son public, mieux, on peut le convaincre.
La diaspora est  une dame particulièrement réfléchie.
Elle ne jettera pas (physiquement) de pierres au candidat qui vient l'aborder.
Elle n'insultera pas, non plus. 
Elle est une geisha bien éduquée.
La dame diaspora donne encore une grande place aux mots , même si les actes et la personnalité du prétendant sont une garantie de validité. 

Quand un candidat vient parler à la diaspora, ce ne sont pas ses partisans uniquement qui viennent écouter. Ce sera des électeurs, des citoyens, des patriotes de tout bord. Et ils poseront des questions. Sans complaisance, ils soumettront chaque candidat  à une interrogation. Venir voir la diaspora, c'est comme faire face à un panel de redoutables journalistes. 

Il faut lui servir des paroles sensées, et cohérentes.
Il n'y aura pas de tam-tam pour assurer l'animation.
Il n'y aura pas de djembé, pour couvrir les silences embarrassants, ou les hésitations.
Il n'y aura acclamations qu'à la suite de propos pertinents (Ces curieux et rares oiseaux que sont les émigrés sont avares en applaudissement).

Pour éviter de passer ce test, le prétendant peut bien sûr organiser la rencontre, il est bien possible de réduire le temps réservé aux interactions avec le public, il est bien possible de faire des rencontres individuelles avec des (délégations d') individus déjà acquis à sa cause.
Il y  aura peut-être quelques-uns qui, puisqu'ils sont venus, accepteront bien qu'on leur rembourse le prix du ticket bus aller-retour, et (peut-être) un petit billet de banque, tant qu'à faire, pour couvrir les frais de repas de la journée.

Il y aura aussi un public acquis ou  conquis pour des raisons personnelles.
À chacun ses convictions....

Toute la diaspora n'a pas ce regard inquisiteur, ce serait trop beau.....
Le public de la diaspora a bien évolué, mais ils sont et restent avant tout des sénégalais, avec des habitudes bonnes et moins bonnes.

Lors d'un passage de la commission pour la confection des passeports dans une ville que je ne citerai pas, beaucoup de citoyens devaient se faire faire des passeports.  Du fait de la congestion, certains sont arrivés à l'aube pour avoir la chance de passer. J'ai dû, moi-même, me présenter à 6 h 30 du matin, pour m'inscrire. Imaginez-vous que certains avaient constitué des listes. Comme à l'Université Cheikh Anta Diop. Et on s'est retrouvés avec deux (ou trois) listes. Comme à l'Ucad, quand il fallait retirer sa bourse.

Pour une place dans la liste, on a eu droit à un vieux spectacle, une petite bagarre, des insultes bien salées et senties furent aussi servies à nos pauvres oreilles !!!

Certaines vieilles habitudes ont la peau dure.

Malé Fofana PhD

ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication
Sherbrooke, Québec, Canada

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