PAN, profession: journaliste citoyen



 
 

Le journaliste citoyen, 

libéré d'un carcan institutionnel, 

refuse le statut mitoyen du compromis. 

 

Sa hargne aux relents personnels

porte le sceau de l'exorcisme, 

avec une conscience professionnelle, 

d'une indignation à fleur de peau.

 

 

Pape Alé Niang, à la suite de plus de trente-cinq jours de détention, le 14 décembre 2022, est de nouveau libre de ses mouvements.  Après la découverte de la posture de journaliste d'investigation, est venu maintenant, pour le Sénégal, le temps d'accueillir la consécration de celle de "journalisme citoyen".

 

Pape Alé Niang, n'est pas une bête curieuse, une pièce difforme de puzzle, qu'on ne sait où placer. Le terme, journaliste citoyen, n'est pas un barbarisme, un néologisme, ni le fruit de notre réflexion, même si nous en avons largement parlé dans le cadre d’une thèse, en 2015, avec Pape Alé Niang, justement, comme exemple.

 

C'est un concept qui existe bel et bien. Il n'a pas été inventé par Pape Alé Niang. Celui-ci, eût-il été le premier à le pratiquer, ou l'eût-il consacré, je doute qu'il en eût eu grand-crédit. Nul n’est prophète chez soi. Certes, mais pour l'africain, un concept semble n'avoir de valeur qu'investi par l'Occident. Sachez, même si cela ne devait pas importer, que le terme en question est bien originaire d'outre-mer. 

 

Le professionnel de l'information a plusieurs casquettes. Il est forcément employé d'une instance médiatique, et à ce titre, cherche bien sûr à faire la promotion de l'instance au sein de laquelle il travaille. Un intervieweur, lui, s'occupe principalement de la dynamique interactionnelle des échanges indépendamment des contenus évoqués. Il joue à l'équilibriste entre les principes d'information et de captation (Cardon 2009).  Un journaliste a besoin d'avoir des connaissances minimales sur le thème soulevé, quitte à se faire assister d'un spécialiste (Burger 2004). Le journaliste d'investigation en est un, qui va chercher des informations comme un détective. Le dernier-né est le journaliste-citoyen.

 

Celui-ci n'est pas un activiste. L'activiste, ou même le lanceur d'alerte, est un citoyen révolté dont le seul motif justifiant la prise de parole publique est l'indignation et la soif de justice. Il n'a pas la formation d'un professionnel de l'information. Un journaliste citoyen est un individu pour qui le politiquement correct d'une institution devient un corset trop étroit et étouffant.  Il revendique le polémiquement (cf. El Matador) correct. Il est un professionnel qui ne souhaite plus être régenté par un éditorial de maison de presse. Il ne veut plus s'entendre dicter quoi dénoncer ou de quelle manière s’indigner. 

 

Les journalistes qui prennent cette posture deviennent de plus en plus nombreux. Je citerai uniquement le cas de Sadikh Top. Le journaliste citoyen se libère alors de ce joug puis prend la posture d'un citoyen pour s'exprimer plus librement tout en le faisant avec les outils professionnels journalistiques dont il a une solide expertise. Il garde de sa profession classique une éthique qui lui permet de connaître les risques et les pièges à éviter. Comme le soulignait Pablo Picasso, avant de déconstruire, il faut savoir construire. Pape Alé Niang est journaliste d'investigation et journaliste citoyen. 

 

La question à poser est comment un tel profil pourrait mettre en danger une nation plus que les auteurs des irrégularités qu'il dénonce? 

 

L'illégalité accusée par une institution (cf. Saint Augustin) ne cautionne-elle pas la légitimité des actes posées pour la dénoncer?  

 

Malé Fofana PhD

Rhétorique, argumentation et analyse du discours

 

BURGER, M. (2004). « La gestion des activités : pratiques sociales, rôles interactionnels et actes de discours », Cahiers de linguistique française, Actes du 9eme Colloque de Pragmatique de Genève et Colloque Charles Bally, n° 26, p. 178-198.

PATTERSON, D. (2010). A Companion to Philosophy of Law and Legal Theory, Wiley et Sons, 704p.

CARDON, D. (2009). « Vertus démocratiques de l’internet », internet et renouveau démocratique, [en ligne] : http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20091110_cardon.pdf, p. 1-20.

CHARAUDEAU, P. (2006a). « Discours journalistique et positionnements énonciatifs. Frontières et dérives », Semen, Énonciation et responsabilité dans les médias, n° 22, [en ligne]: dernière mise à jour inconnue, http://www.patrick-charaudeau.com/

FOFANA, D.M (2015). La subjectivité journalistique en entrevue médiatique: une approche rhétorique et interactionnelle de l’émission « Péncum Sénégal ».   http://hdl.handle.net/11143/7712. https://youtu.be/OOezA6dlEw0. Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec)


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