La flamme étincelle du communicateur




"La passion est une étincelle qui  éclaire l'audience.
Mais, mal dosée, elle éteint celle de l'orateur.
Elle peut doucement l'embrasser,
ou complètement l’embraser et le consumer.

C'est le miracle du Feu!!"
                                                                                                                 Malé Fofana PhD

La force du communicateur repose sur un triangle de force : la personnalité, la force des mots, et l'énergie qu'il dégage et transmet. 
Mais comment gérer cette énergie? 
D'abord pourquoi l’émotion? 
Parce transmettre un savoir uniquement ne suffit pas, il faut donner aux auditeurs le ressenti qui devient l’énergie qui va les motiver à appliquer le savoir qu’ils viennent d’apprendre.  Le wolof ne dit-il pas : xam ne feebar nga tax'u'la fajj'u, yek ne feebar nga'y tax'a fujj'u. Savoir qu'on est malade ne suffit pas,  c'est le fait de se sentir malade qui nous amène chez le docteur.

1-Un couteau à double tranchant

Le communicateur doit apprendre à bien manipuler cette énergie-là, avant de pouvoir s'en servir efficacement sur son auditoire.

En éducation, Krashen (cf. Monitor Model) parle du Affective Filter Hypothesis
Oustaz Alioune Sall résume bien cette idée quand il dit qu'on ne peut transmettre un message à quelqu'un qu'on a blessé dans son estime (nitt ki boo ko blessé meun'oo koo jang'al).  Il a compris ce que beaucoup de communicateurs, surtout dans le domaine spirituel n'ont pas encore saisi.  Je le répète: quand le vent de la passion se lève, la lumière de la clairvoyance s'éteint. Elle s'éteint pour celui qui parle (effet sur le choix de mots, le ton emprunté ...). Elle s'éteint aussi pour celui qui écoute. Son orgueil blessé, l’auditeur érige un bouclier, une barrière qui l'empêche d'entendre. Ce que les wolofs disent : degguloo ma dé.

Quand vous portez un message à une personne en jugeant cette personne elle-même, au lieu de juger uniquement ses actes, elle ne vous écoute plus car touchée dans son estime. Au mieux, elle vous entendra mais, ne vous suivra pas. Voyez-vous, si un communicateur me convainc que mes actes sont mauvais, j'ai le sentiment que je peux les redresser, car moi, je suis encore bien (portant). Par contre, si un communicateur me fait savoir que je suis mauvais, alors je suis moins motivé: il est plus facile de rectifier mes actes que de rectifier ma propre personne.

Dans un débat (de politique politicienne), on parle d'attaque adhominem: attaquer la personne, perturber son affect, et lui faire perdre sa lucidité. C'est de la manipulation, car le débatteur veut blesser.

2-  Personnalité,  mots,  énergie 


Pour l'effectivité d'une communication, dans le passé, il était question de l'ethos (Qui suis-je? Qu'est-ce que j'inspire aux gens, par mes actes?) du logos (comment j'organise des propos), et quel est le sentiment physique (pathos) que j'inspire à l'audience par ma communication. Dans l'argumentation moderne, les chercheurs (Perleman, Amossy) se mettent d'accord pour dire que l'ethos, la personnalité, englobe tous. Nous aurons donc l'ethos discursif (l'image que je donne de moi selon ma manière d'organiser mon propos), et l'ethos prediscursif (qu'est-ce que les gens savent de moi, en général). Ces deux éléments se combinent pour produire un sentiment de confiance chez l'auditeur qui dès lors peut  vouer une confiance (aveugle) à celui qui parle.

3 - Utiliser le bon moment

La meilleur énergie (pathos) est celui utilisé au bon moment (quand la garde de l'autre est baissée), quand l'individu est en position de réception (prête à entendre). Les communicateurs (religieux) se font accuser souvent de faire du théâtre, ils cherchent uniquement à faire baisser la garde de ceux qui écoutent pour les atteindre. 
Le communicateur doit savoir ruser et attendre. Et seulement, au bon moment,  porter le coup fatidique qui laisse une marque physique, un effet de patho(logie)s. User du pathos quand ce n'est pas le bon moment, permet de heurter la cible (ou la proie), mais ne la touche pas (là où il faut).

Le bon pathos est aussi celui que j'applique à moi-même: le locuteur offre son propre exemple à celui qui écoute sans lui dire ce qu'il doit faire, et le laisse tirer ses conclusions.  Si le locuteur s'attaque à un acte sans éclabousser son auteur, celui-ci, s'il est de bonne foi, peut en tout anonymat se rectifier. Quand vous l'attaquez de manière frontale, il se braque. 

Dans la maison, par exemple,  le meilleur moment de corriger son enfant est de lui parler seul à seul. Si vous le corrigez devant tout le monde, vous avez satisfait votre colère, alors que lui va plus faire attention à l'humiliation infligée qu'à ce que vous lui reprochez.

4 - Une question de maîtrise

J'ai parlé de colère. La colère est en lien direct avec la circulation du sang. Et le cœur (logé dans la poitrine) en est le carrefour. Ce n'est pas pour rien que la poitrine de l'Homme est pointée comme source de calme, de tumulte (cf. An-Naas) et d'aveuglement.

Aujourd'hui les grands sportifs sont dits avoir du sang-froid. C'est-à-dire qu'ils sont capables de maîtriser leurs battements de cœur dans les moments critiques (fin de match), les actions critiques (tir au but), les endroits critiques (devant le gardien de but). Nous ne pouvons oublier El hadji Diouf qui était exaspérant par son sang-froid. Peu importe qu'il se trouve dans son camp ou dans la surface de réparation de l'équipe adverse, il joue avec le même rythme. En réalité, il évacue, il occulte l'endroit où il se trouve pour se concentrer uniquement sur son action.

Parmi les joueurs de la NBA, le plus connu pour ce fait, est Koby Bryant. Il est surnommé le Mamba Noir, un serpent particulièrement infaillible. Les serpents sont des reptiles, animaux à sang froid. Ces sportifs ont la capacité quand ils ont un lancer décisif à faire dans les cinq dernières secondes du match, d'évacuer le stress en contenant le battement de leur cœur, et en occultant le contexte. En fin de match, ils vont exécuter leur geste  décisif, exactement comme  il le ferait en entrainement, dans un terrain absolument vide et silencieux.

Voilà donc des principes essentiels pour la personnalité publique, l’éducateur, le sportif, le parent, bref, pour tout individu qui communique, quels que soit ses outils.


Malé Fofana PhD

ComUnicLang-Bataaxel
Cabinet de communication
Sciences du langage et communication
Sherbrooke, Québec, Canada

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