Émeute de Mars 2021: la parole emprisonnée

 



Un grand nombre de manifestants en prison..

Entourés de fer et de béton...

Des manifestants dans la rue. En sursis...

Susceptibles d'être pris,

À chaque coin de rue.

Épris qu'ils sont, à exprimer 

Du plus profond d'eux-mêmes

Même au prix fort, 

Un lourd cri.

 

Et parmi ceux-ci, les preneurs de parole, étaient, plus que les autres, en eaux troubles.  

 

En effet, sans que cela paraisse, 

Ces derniers étaient dans une prison de verre,

Bien réelle, mais plus difficile à voir.

Ils devaient avec attention manœuvrer

Afin que point ne s'affaissent sur eux,

Les parois de leur cage invisible...

 

Ils avaient un mur derrière eux.  Ils devaient, dans leurs prises de parole, ne pas donner une impression de fébrilité, comme le chasseur et le fauve qui s'observent, et guettent une défaillance. Il fallait tromper la torpeur de la peur qui estropie les jambes et étrangle la voix.  Ces porte-paroles devaient parler avec assez d'assurance pour tenir l'adversaire à distance. 

Le chef du camp adverse, bien camouflé, lui, tardait à s'exprimer. Il n'osait pas parler trop tôt, il lui fallait, lui aussi, poser une parole bien dosée, ce sans quoi il pourrait se dévoyer, et dévoiler, malgré lui, ses sentiments profonds.

 

Ils avaient un mur devant eux, car si on ne doit pas trop reculer ou se montrer trop hésitants, il ne fallait pas non plus trop (s')avancer. Veiller à comprimer ses maux et exprimer des mots mesurés, au risque d'être d'accusés d'appel à l'insurrection ou d'avoir alimenté le trouble à l'ordre public. Et quelle ligne mince! Un petit écart eût pu faire détonner des jeunes, qui piaffent tels des chevaux rétifs, prêts à détrôner le chef de la cavalerie. 

 

Ils avaient un mur à gauche. Il leur fallait parler avec assez de conviction pour convaincre l'auditoire qu'il était bel et question d'un complot ourdi de haut en bas, de fil blanc cousu. Il fallait parler avec assez de perspicacité pour créer des liens entre des éléments éclatés. Mettre de l'avant l'impasse qui a fait suite aux affaires Karim et Khalifa, les lier avec l'affirmation de l'adversaire en chef qui, orbi et urbi, a juré, de réduire l'opposition à sa plus simple expression.

 

Ils avaient un mur à droite Il fallait démonter un piège, et démontrer une nature factice de la situation. Mais il fallait le faire sans minimiser, sous l’œil de la morale et de la bienséance, l'acte de viol qui, en lui-même, est très délicat, et extrêmement sensible, et le condamner sans réserve.

 

Ils avaient un plafond de verre au dessus. En effet, malgré l'envie de défendre un allié et un leader; malgré l'enjeu de l'échiquier politique; malgré  la prise ou la crise de confiance ou de conscience, en jeu, il ne fallait pas perdre de vue que la vie ici-bas est un théâtre. 

 

Qu'on gagne ou perde, se rappeler toujours

 Que les Nobles Scribes (Kiraaman kaatibeen)  

Ne rechignent pas à écrire  (Sa naktubu maa qaaloo)  

Quoi qu'il nous arrive de faire ou dire... 

 

Et chaque mot, en un jour proche ou loin, ils répéteront, 

devant Le Doyen,  Ahkamin al-Haakimeen, Immortel, celui-ci, 

de tous les juges,

De l'univers immense.


Malé Fofana PhD 

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